Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 20.djvu/309

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chevrettes et les blancs petits chevreaux. Troupe gourmande et vagabonde le chevrier les commande. Les mâles de brebis, les grands béliers conducteurs, dont les museaux dans l’air se dressent, alors paraissent dans la voie ; on les reconnaît à leurs grandes cornes trois fois entortillées autour de l’oreille. En tête de la troupe marche le chef des patres, de son manteau s’enveloppant les deux épaules. Mais le gros de l’armée arrive à la suite. Et dans un nuage de poussière, empressées, courent les mères, répondant par de longs bêlements aux bêlements de leurs petits ; et, la nuque ornée de bouffettes rouges, ensemble poudroient les anténois et les moutons laineux qui vont à pas lents. »

À la fin du jour le train venu d’Arles nous emporte vers Salon. Nous dépassons l’étang d’Entressen, la patrie du berger Alari (encore une évocation de Mireille) ; de hautes bordures de cyprès noirs protègent la ligne contre les fureurs du mistral ; à droite, à gauche toujours les plaines caillouteuses nous accompagnent jusqu’aux environs de Miramas où il faut changer de voiture. Bientôt les oliviers couvrent le sol de tous côtés et la silhouette d’un vieux château barre l’horizon en même temps que s’estompent les premiers contreforts des Alpes.

Salon a l’aspect d’une cité riche et animée. Sa situation, à l’extrême limite de la Crau, au centre d’un réseau très développé de routes admirablement entretenues et en terrain plat, en fait un véritable paradis pour les cyclistes, dont nous n’avons jamais vu, je crois, même dans la banlieue parisienne, un nombre aussi considérable. C’est que de là rayonnent les promenades les plus charmantes et les plus variées, à travers les vertes oliveraies, vers l’étang de Berre ou vers la Durance : Orgon, Mérindol, Charleval, Lambesc, Berre ou Saint-Chamas sont des buts de courses séduisantes et faciles.

Dominée par un vieux château dont les quatre tours, noircies par les siècles, ont une belle allure, la ville cache les toits rouges de ses maisons sous une luxuriante végétation ; les villas luxueuses s’y mêlent aux cheminées des usines. Car Salon est une ville essentiellement travailleuse et industrielle, le centre de l’industrie si prospère de l’oléiculture. Nostradamus, le célèbre astrologue, avait-il lu dans les constellations le sort brillant qui était réservé à la ville où reposent ses cendres ? C’est peu probable, car à l’époque de sa mort (1566) la plaine était encore étrangement sèche et aride. Craponne, le non moins célèbre ingénieur, venait à peine de terminer les travaux du canal qui porte son nom et ce ne fut que plus tard que, grâce à une irrigation de plus en plus développée, le pays se transforma et devint fertile. Aujourd’hui la fécondité du sol a suscité des cultures de toute sorte au premier rang desquelles il faut citer l’olivier auquel Salon doit son prodigieux développement.

L’olivier, qu’il se soit propagé naturellement de l’Asie, sa patrie d’origine, à travers la Grèce, l’Italie, puis la Provence, ou qu’il ait été importé par les peuplades orientales à la faveur d’émigrations successives abonde depuis un temps immémorial sur le littoral de la Méditerranée. Dans les Maures, dans l’Estérel, sur toute la côte Niçoise il couvre le pays de ses troncs tourmentés et de ses pacifiques feuillages ; peut-être même est-il plus beau, plus séduisant d’aspect dans les Alpes-Maritimes que dans les plaines Salonnaises, mais nulle part il n’est plus soigneusement, plus rationnellement cultivé qu’ici. C’est que la culture en est particulièrement délicate et que ses diverses phases exercent, par leur plus ou moins grande perfection, une influence immédiate sur le fruit et, par conséquent, sur l’huile à laquelle cette culture doit d’être une source de richesse.

FERME MODÈLE EN CRAU.

La culture de l’olivier présente avec la culture de la vigne de nombreux rapports. De même qu’il y a des crus célèbres et des clos de choix, il y a des oliveraies réputées, et l’olive noire, arquée, pointue des