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jusqu’à ce jour avaient été peu fructueuses : Jean Belon[1], un des seuls voyageurs qui aient écrit sur l’Athos, dit que les prélats de l’Église grecque, ennemis de la philosophie, excommunièrent tous les prêtres et religieux qui tiendraient livres, et en écriraient, ou liraient autres qu’en théologie, et qu’ainsi plusieurs livres ont été ruinés et perdus. « Voulez-vous savoir positivement, dit M. Deschanel, dans son livre sur Sapho, comment furent perdues tant d’œuvres d’un si grand prix ? écoutez un témoin irrécusable en cette question, un pape. Halcyonius, savant du seizième siècle, fait parler ainsi Jean de Médicis, qui fut plus tard Léon X. « J’ai entendu dire dans mon enfance à Démétrius Chalcondyle, homme très-savant dans les lettres grecques, que des prêtres chrétiens avaient eu assez de crédit auprès des empereurs byzantins pour obtenir d’eux la faveur de brûler en entier un grand nombre d’ouvrages des anciens poëtes grecs. On les remplaça (ajoutait-il, avec un peu de malice, ce me semble) par les poëmes de notre Grégoire de Nazianze, qui, s’ils inspirent des sentiments religieux, ne peuvent pas cependant prétendre à une élégance aussi attique. Si ces prêtres ont été honteusement impies envers les poëtes grecs, ils ont donné un grand témoignage de piété catholique. »

Il est cependant probable que des recherches minutieuses habilement dirigées amèneraient de précieuses découvertes[2].

La Phiale ou le Baptistère du couvent de Lavra (voy. p. 126). — Dessin de Lancelot d’après une photographie.


Les mulets. — Philotheos. — Les moines et la guerre de l’indépendance. — Karacallos. L’union des deux Églises. — Les pénitences et les fautes.

Le 2 juin nous prîmes congé de l’higoumène pour gagner Philotheos, à dos de mulet. Ce moyen de locomotion est le seul en usage chez les moines. L’équipement de ces animaux est de la plus grande simplicité : un bât surmonté de quatre pieux, placés comme les quatre points cardinaux, une couverture en laine, des étriers en corde, un bridon également en corde et une ou plusieurs clochettes selon le degré d’affection que les moines portent à l’animal. Après un certain temps d’étude, on arrive à être médiocrement bien sur ce siège, quand le sentier monte, mais quand il descend,

  1. Belon, naturaliste du seizième siècle, dans son livre des Singularités, a consacré quelques pages rapides à la description du mont Athos et des choses mémorables qu’on y trouve. (Voy. Belon, Singularités, imprimé à Paris, par Benoist Prevost, 1555.)
  2. M. de Villoison est le premier qui en ait tenté. Cet académicien, dit Choiseul-Gouffier, fit, en 1785, un assez long séjour au mont Athos. Il s’y rendit, muni de toutes les recommandations qui devaient le faire accueillir dans les monastères, et lui ouvrir les portes de leurs bibliothèques. Mais il ne suffisait pas d’y porter la passion du travail, il fallait encore joindre l’art de ne pas effaroucher la confiance. Comment a-t-il pu paraître pénible à un si savant helléniste de montrer quelque bienveillance pour les enfants de ceux dont les écrits faisaient ses délices et sa gloire ? (Choiseul-Gouffier, Voyages.)