Page:Le Tour du monde - 02.djvu/216

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tail ; mais j’ai l’espoir que nos travaux aideront à rappeler la vie dans ces contrées fertiles.

« Nous voyons des bruyères entre les pâturages, des lagunes salées parmi les collines de sable ; le terrain devient de plus en plus marécageux, il manque sous les pieds de mon cheval, et celui-ci tombant m’entraîne dans la vase, où il reste immobile. On conçoit l’aspect que je devais offrir avec mon burnous blanc, et la peine qu’il me fallut prendre pour retirer ma bête, car nos larrons me regardaient faire sans m’aider le moins du monde.

« Toujours détroussant et pillant, notre escorte, diminuée par de nombreuses désertions que les querelles avaient fait naître, approchait du territoire ennemi.

« Le 11 octobre nous traversions l’une de ces vallées étroites, qui déchirent la plaine sableuse, et nous dressions nos tentes au bord du plateau qui domine le puits d’El-Ftaim. De là nous partions le lendemain, pour entrer dans un pays d’où la trace de l’homme a complétement disparu.

« Jusqu’ici nos maraudeurs n’avaient fait que prélever la dîme sur les troupeaux et les biens ; mais le brigandage allait devenir plus sérieux. On s’arrêta pour délibérer ; le chef harangua la bande, et lui intima ses ordres : combat à outrance, pas de quartier aux vaincus ; et promesse de dédommagement à quiconque perdrait son cheval ou son chameau. Deux porte-étendard coururent devant l’armée en agitant leur bannière blanche ; les cavaliers sortirent des rangs, et jurèrent de vaincre ou de mourir.

Chef mosgovien. — Dessin de Rouargue d’après Barth (troisième volume).

Au coucher du soleil on dressa les tentes, il fut ordonné de garder le silence et de ne pas faire de feu, dans la crainte d’être aperçu ; mais la nuit arrivée, une raie flamboyante se dessina au sud-est, prouvant que l’ennemi savait que nous approchions, et se réunissait pour le combat. Nous partîmes aussitôt, et ne fîmes halte qu’au jour, sur un terrain couvert de broussailles. Les cavaliers poussèrent en avant pour faire une reconnaissance, et nous restâmes, Overweg et moi, avec soixante-dix chameaux du train, montés par de jeunes gars, dont quelques-uns n’avaient pas plus de dix ans ; mais dès qu’il fit grand jour, il devint impossible de retenir la petite troupe, et il fallut partir. Bientôt nous descendîmes dans la vallée de Gesgi ; la troupe se débanda : nos jeunes rapaces avaient aperçu des moutons, et les poursuivaient, tandis que leurs aînés saccageaient un hameau. Un peu plus loin est la vallée d’Hendéri-Siggési. Dans la coulée, à quarante mètres de profondeur, des bosquets de dattiers, des champs de froment dont la brise agitait les épis ; sur le plateau, du millet prêt à être coupé : de riches moissons, de la verdure, un village en flammes, des habitants en fuite, scène émouvante dont j’ai tenté de faire l’esquisse.