la voix royale. Le même fonctionnaire fut également la liste des présents offerts au roi et à la reine. Le modèle de chemin de fer que sir Macdonald Stephenson avait remis à l’ambassadeur, pour cette circonstance, fut le seul des présents exhibé dans la salle, et ne causa pas peu d’intérêt aux Birmans.
Trois questions furent alors, suivant la coutume, faites à l’ambassadeur, comme venant du roi. Sa Majesté ne remua pas les lèvres, bien qu’elle parût intimer sa volonté en inclinant la tête. Ce fut un atwen-woon qui, en se détournant à moitié, demanda :
« Le roi d’Angleterre va-t-il bien ? » Puis, sur la réponse affirmative de l’ambassadeur, le than-dau-gan répéta à haute voix : « En raison de la haute et parfaite gloire de Votre Majesté, le roi d’Angleterre est bien, et je souhaite, en toute humilité, qu’il en soit de même de Votre Majesté. »
Puis une série de demandes et de réponses ayant eu lieu entre l’atwen-woon et l’ambassadeur, le than-daugan, terrible paraphraseur, les interpréta à peu près de la sorte : « En raison de la haute gloire et excellence de Votre Majesté, il y a cinquante-cinq jours que ces étrangers ont quitté l’Angleterre (le Bengale, avait dit le major Phayre) et ils sont heureusement arrivés à tes pieds d’or et en toute obéissance, etc.
« La pluie et l’air ont été propices sur leur passage, et au delà comme en deçà des frontières ils n’ont trouvé que d’heureuses populations. »
Alors des présents nous furent offerts. Le major Phayre reçut une coupe d’or portant les signes du zodiaque relevés en bosse, un beau rubis, un tsal-wé à neuf rangs et un beau putso, les autres officiers eurent une coupe d’or simple, un anneau, un putso, ou un anneau et un putso seulement.
Enfin le roi, s’appuyant sur la reine, se leva pour partir ; ils traversèrent le treillis doré qui formait le fond de la niche royale. La musique joua derechef, les portes se refermèrent, et l’on nous annonça que nous pouvions nous retirer : annonce accueillie avec plaisir, car l’attitude forcée dans laquelle nous siégions et à laquelle maints d’entre nous tentaient de se dérober, nous avait attiré plus d’une fois le visible déplaisir du vieux nanma-dau-woon.
En descendant du palais nous jetâmes un coup d’œil sur les danseurs et les jongleurs qui opéraient dans la cour ; ensuite on nous invita à aller voir le seigneur éléphant blanc. Nous le contemplâmes casé dans un vaste appartement situé au nord de la salle d’audience ; puis, suivant la même route que dans la matinée, nous arrivâmes à la résidence, quelque peu fatigués, vers les quatre heures.
15 septembre. — Le roi, par l’entremise du woondouk, nous a fait informer qu’il était charmé des présents que nous lui avions apportés, et surtout d’un candélabre en cristal coloré en rouge. Il désirait aussi savoir si quelqu’un d’entre nous pouvait mettre son maître des cérémonies à même de se servir de l’appareil photographique. Le major Phayre, vu les difficultés, suggéra que l’on pourrait envoyer un des familiers de la cour en apprendre la manipulation à Calcutta, ce qui eut lieu plus tard. Mais tous les efforts du capitaine Tripe, l’habile photographe attaché à l’ambassade, n’amenèrent qu’un résultat négatif. Cette incapacité de leurs artistes n’empêchait pas toutefois les Birmans de s’extasier devant les résultats obtenus par le capitaine Tripe, surtout quand il s’agissait de la reproduction de leurs monuments et de leurs monastères, si chargés de riches sculptures.
Leur goût, sous ce rapport, contraste avec l’inhabileté des Hindous à reconnaître même les portraits les plus ressemblants, les dessins aussi bien que les gravures européennes étant pour eux lettre close. Ce trait distinctif de l’aptitude des Indiens et des Birmans ne me paraît pas avoir jamais été signalé.
La coïncidence de notre arrivée avec celle de la pluie avait été fort remarquée, et, à ce propos, le roi fit observer, en daignant sourire, qu’il espérait que nous prolongerions notre séjour, car son royaume avait encore besoin d’eau.
17 septembre. — Ce jour fixé pour notre visite à l’Ein-she-men, l’héritier présomptif, nous fournit une occasion de naviguer sur le lac. Accompagnés du woondouk et de quelques officiers, nous le traversâmes pour gagner la porte sud de la cité où nous attendaient des éléphants, ainsi qu’une escorte de quinze hommes de notre cavalerie irrégulière. Aux abords du palais du prince, le plus grand de la ville et le seul qui soit honoré d’un triple toit, se tenait un fort détachement du régiment Madeya, qui nous accompagna et forma la file de chaque côté de notre cortége.
L’ambassadeur fit avancer son tonjon jusqu’à la porte, et nous descendîmes de nos éléphants aussi près que la foule nous le permit ; là nous fûmes reçus par un des woons du prince, sur l’avis que le woondouk lui donna de notre arrivée. Ce personnage, homme très-obèse, ne parut pas comprendre, ne répondit rien, et tout en mâchant son bétel se contenta de promener ses regards sur nous. À la fin il dit lentement : « Tous sont-ils arrivés ? alors ouvrez la porte. » Les larges portes de bois roulèrent sur leurs gonds et le palais du prince nous apparut : construction immense, modestement ornée dans le style monastique et entourée d’une clôture palissadée. Les sons d’un orchestre nous arrivaient de l’intérieur, et à toutes les fenêtres, sous toutes les verandahs, se pressait une foule de têtes curieuses. Deux petits canons bien montés défendaient l’entrée.
Défilant entre deux lignes de fusiliers en jaquette verte, nous parvînmes à l’entrée de l’escalier où, suivant ce qui était convenu, nous laissâmes nos souliers. Parvenus au sommet, on nous fit d’abord passer le long de verandahs ou dansaient des bayadères ; puis nous pénétrâmes dans une salle grande, élevée, et si obscure que l’on n’y voyait rien au premier abord, mais nous y discernâmes ensuite une foule parmi laquelle se trouvaient des gens en uniforme armés de sabres à large pointe. Ni or ni couleurs n’ornaient les murs et les piliers de cette salle. Nous nous assîmes sur un tapis au centre, à une