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Zanzibar vue de la mer. — Dessin de E. de Bérard d’après nature.


VOYAGE AUX GRANDS LACS DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE,

1857 – 1859




AVANT-PROPOS.


But de l’expédition. — Le capitaine Burton.

Défendue à l’est et à l’ouest par une côte aux effluves mortels, et par une population que démoralise un commerce infâme, l’Afrique est restée jusqu’à ces derniers temps ce qu’elle était pour les anciens : une terre mystérieuse dont les tribus centrales sont encore retranchées de la grande famille humaine. En vain la civilisation antique s’est épanouie dans l’une de ses vallées fertiles, en vain Carthage et Rome y ont établi leur puissance, l’Arabe ses mosquées, le traitant ses comptoirs, cet isolement s’est maintenu jusqu’à nos jours. Au delà du littoral conquis, le vainqueur ou le négociant a trouvé le Sahara, le colon du sud les Karrous, et les chasseurs de la Cafrerie se sont arrêtés aux marches du Kalahari. De tous ces récits du désert qui, depuis l’anéantissement de l’armée de Cambyse, se continuent chaque année au retour des caravanes, il résulte que toutes les fois qu’on nomme l’Afrique, c’est un espace entièrement nu, un flot de sable, une terre anhydre que l’on évoque dans la pensée de l’auditeur : l’habitat du chameau et de l’autruche a fait oublier celui de l’hippopotame et du crocodile ; aussi accueillit-on avec surprise, il y a quatre ans, l’annonce d’une mer intérieure, dont les missionnaires de Mombaz avaient entendu parler dans leurs voyages[1]. Bien que l’existence de grands lacs équatoriaux en Afrique eût été soupçonnée depuis deux mille ans, cette communication n’en eut pas moins tout l’attrait de la nouveauté, et le mémoire que publièrent à ce sujet le révérend Erhardt et le docteur Rebmann reportèrent l’attention des géographes sur la partie est de l’Afrique, située entre l’équateur et le quinzième degré de latitude méridionale. Les hommes les plus compétents d’Europe ne crurent pas à la réalité de cette Caspienne de trente mille lieues carrées, et pensèrent que M. Erhardt confondait en un seul plusieurs lacs distincts, désignés sur les anciennes cartes portugaises, et mentionnés par les nôtres. Toutefois la question offrait trop d’intérêt pour qu’on ne cherchât pas à la résoudre. D’ailleurs le problème toujours pendant des sources du Nil, celui des neiges contestées du Kénia et du Kilimandjaro se rattachaient à la vérification du rapport des révérends. Une expédition fut donc résolue.

En 1856, la Société géographique de Londres confia au capitaine Burton, officier à l’armée du Bengale, la mission d’atteindre les grands lacs africains, d’en relever la position, de décrire le pays situé entre la côte et les vastes nappes d’eau qu’il s’agissait de reconnaître, d’en étudier l’ethnographie et les ressources commerciales. Un voyage en Arabie, où l’aventureux capitaine avait fait preuve d’autant de savoir que d’intrépidité, un séjour dans la ville d’Harar, interdite jusqu’à lui aux chrétiens, un projet d’exploration au centre de l’Afrique, arrêté au début par une attaque des Somalis, avaient désigné Burton au choix de la Société, qu’il justifiait

  1. Voy. notre tome I p. 12 et suivantes.