Page:Le Tour du monde - 02.djvu/40

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lon à pied qui contient les jupes et qu’on ne revêt que pour sortir (voy. p. 44). Ainsi calfeutrées, enfermées, les femmes cheminent en traînant leurs petites pantoufles à talons avec un balancement qui n’a rien de gracieux, et viennent s’accroupir au bas de la boutique des marchands d’étoffes, faisant déplier des monceaux de pièces de toile, des soieries, des cotonnades, discutant, comparant, ne se décidant pas, et enfin se levant et s’en allant maintes fois sans avoir rien acheté, comme cela se pratique dans d’autres pays encore, et tout cela sans avoir soulevé le moindre bout de leurs voiles.

Et tandis que les marchands font assaut d’éloquence et de persuasion pour arrêter ces goûts si incertains et si changeants, tous les propos et les cancans de la ville débordent de boutique en boutique. Ici on parle politique et on blâme telle mesure récente du gouvernement ou telle résolution qu’on dit imminente. On raconte ce qui s’est passé la veille au soir ou le jour même dans le harem du roi et le point exact où en est la discussion de telle klanum avec son mari. La chronique scandaleuse court de bouche en bouche, peu voilée et s’exagérant tous les quarts d’heure. On emprunte de l’argent et on en prête. On retire telle pièce de vêtement qui était en gage depuis six mois et on va engager telle autre. On se querelle, on se menace, mais on ne se frappe pas, à moins de circonstances rares. C’est un tapage, des cris, des rires, des gémissements, des poussées à faire tomber les voûtes, et souvent aussi elles ne résistent pas. Car, bâties en briques crues en beaucoup d’endroits et cimentées à la grosse, elles s’écroulent avec fracas, surtout aux approches du printemps, et on ne peut nier qu’elles n’écrasent çà et là quelques causeurs.

TYPES ET PORTRAITS PERSANS. — Dessin de M. Jules Laurens.


Les fiançailles. — Le divorce. — La journée d’une Persane.

Les Persans, extrêmement réservés sur la partie féminine de leur propre famille, sont on ne peut plus goguenards à l’endroit des femmes qui ne leur sont pas parentes. Ils s’en donnent alors à cœur joie, et à les entendre on croirait qu’il n’y a de dames respectables dans l’Iran qu’autant qu’ils ont encore une mère, une femme et des sœurs.

Sans m’arrêter à ces rapports, probablement empreints de beaucoup d’exagération, je dois dire que les femmes persanes se marient très-jeunes. Dans les familles aisées, le père exige ordinairement du fiancé trente tomans pour le prix de l’épouse, c’est-à-dire 380 fr., ce qui n’est pas énorme, et le plus souvent cette somme est employée par les parents à l’usage de la jeune femme. Il n’y a donc pas lieu de dépenser d’éloquence pour plaindre le sort