moyen de locomotion ; en quelques minutes nous franchîmes un espace que nous avions mis cinq heures à gravir. »
Descendus à la zone des neiges, après avoir fait cette partie de schlitte, au milieu de plusieurs incidents, les voyageurs durent faire à pied le reste de la route.
À huit heures et demie, ils aperçurent le feu de garde près de la grotte dans la Valle de Lopos, et ils y arrivèrent une heure après.
« La scène s’était singulièrement modifiée depuis le soir précédent. La neige était répandue par tout, et le sol de notre grotte, où une grande quantité d’eau avait filtré, s’était changé en boue. Nos vêtements étaient percés d’outre en outre, mais nos yeux enflammés ne nous permettaient pas d’approcher du feu. Nous asseoir et nous reposer, après un travail énergique de quatorze heures, était notre premier besoin. Nous nous dépouillâmes donc de la plupart de nos vêtements, et les Indiens les firent sécher au feu, tandis que nous nous blottissions presque nus dans les coins les moins humides de la grotte. En même temps, on fit bouillir de l’eau pour nous préparer un thé très-fort avec du vin. Une heure après, nous avions bu le thé chaud, nos vêtements étaient passablement séchés, et nous trouvant heureux relativement au passé, nous dormîmes mieux que des princes dans des draps de batiste.
« Le matin suivant, notre réveil fut réjoui par un joyeux soleil. La neige de la soirée précédente était en très-grande partie fondue. Restaurés par le repos de la nuit et par un bon chocolat, nous reprîmes la route que nous avions suivie en venant.
« Vers deux heures, comme nous approchions de San Andres Chalchicomula, je fus surpris de voir presque toute la population de la ville, musique et bannière en tête, venir à ma rencontre pour me féliciter. Un de nos Indiens, parti à pied de la Valle de Lopos, avait pris les devants par un chemin plus court et répandu la nouvelle de mon heureuse ascension.
« Après s’être un peu reposés, M. Campbell et M. de La Huerta se rendirent chez le préfet et lui firent la déclaration de notre ascension complète.
« L’Orizaba, d’après mes calculs, atteint cinq mille cinq cent vingt-sept mètres de hauteur, et je crois pouvoir affirmer que personne avant nous n’avait en la curiosité d’en explorer la cime. »
VOYAGE DE M. GUILLAUME LEJEAN
Rien de trompeur comme l’aspect de Souakin, vu du mouillage des vapeurs européens, au nord-nord-est. La petite ville, qui remplit exactement une île presque ronde d’environ cinq cent vingt pas de diamètre, présente à l’arrivant son seul quartier confortable et pittoresque, celui du nord, qui embrasse tous les monuments de la cité. Ces monuments sont : les deux mosquées, dont la principale est un teké de fakihs ou de derviches (tourneurs, si je ne me trompe) ; le prétoire du mufti, chapelle microscopique, dont le pied baigne dans la mer ; quelques fort belles maisons de négociants, dont l’une, qui figure dans notre dessin[2], appartient à un Arabe ou métis algérien ; et, derrière la grande mosquée, autour de la place de la Douane, le palais du Gouvernement, la douane, le bureau de l’agence des vapeurs de la mer Rouge (compagnie Medjidié), et enfin l’orgueil de Souakin, le beït et sitk, « la maison du fil de fer, » l’agence de la ligne télégraphique du Caire à Singapour. En dehors de ces constructions, auxquelles on peut ajouter un bazar moderne, large, aéré, propre et bien aligné, et trois maisons de riches négociants indigènes, on ne voit que de hideuses cabanes en nattes pourries, plantées sur un clayonnage irrégulier : les cabanes des noirs du Soudan sont de vraies villas à côté de tout cela.
Sur un simple mot de M. le consul de Djeddah, je trouvai le plus gracieux accueil chez mon unique compatriote de Souakin, M. Thibaut. Si je n’écrivais que pour les Français d’Égypte, je n’aurais rien à ajouter à ce nom : hospitalité, entrain, esprit, audace juvénile, intelligence et amour de l’Orient, il signifie tout cela. Le voyageur atrabilaire Werne, dans son Nil Blanc, n’a
- ↑ Suite. — Voy. tome II, livraison 33, page 97.
- ↑ Voy. tome II, page 104.