Page:Le Tour du monde - 03.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les vins dits de Figueira, sont dans un cas analogue. Nous traverserons tout à l’heure, entre Aveiro et Coïmbre, la Baïrrada, contrée qui les produit. Cependant, comme ils partent de Figueira pour le Brésil où ils sont en vogue, ils adoptent le nom de leur port d’embarquement. On peut en dire autant des différents crus de l’Estramadure désignés dans le commerce sous l’étiquette uniforme de vins de Lisbonne. Quant aux vins de Porto, nous autres gens du pays, nous les appelons vins du Douro, et c’est sur le bord de ce fleuve, à vingt lieues à l’est, que l’on rencontre le terrain béni qui donne les qualités les plus estimées.

« Le vin du Douro est préparé suivant le goût du pays auquel il est destiné. Ainsi, nos plus forts consommateurs, les Anglais, qui en font la perle de leurs caves, les délices de leurs orgies, le préfèrent jeune et en barriques ; ils le mettent eux-mêmes en bouteilles, et le gardent dans leurs celliers jusqu’au temps de sa suprême bonification. Les citoyens des États-Unis, au contraire, choisissent dans nos magasins les deuxièmes qualités ; ils le veulent doux et monté en couleur. Enfin nous envoyons dans le nord de l’Europe des vins vieux, purs, transparents et aussi légers que possible. Du reste les vins du Douro sont si variés comme goût et comme couleur, que nous les distinguons (vous en faites autant pour vos différentes provenances de Bordeaux et de Bourgogne) par le nom des propriétés qui les récoltent. Le Minho ne fournit pas seulement des vins de gourmet ; il produit aussi des qualités communes, pour l’ordinaire des tables modestes : le vinho verde, l’enforcado, le bastardo… »

La Bourse de Porto. — Dessin de Catenacci d’après une photographie.

« Excellence, dit le conducteur, en montrant une ruine à quelque distance d’une petite ville émiettée sur la verdure, à droite de la route, voici un bien vieux château. On affirme qu’il a été bâti par les Romains.

— Oh ! oh ! c’est un extrait de naissance singulièrement embelli, s’exclama mon compagnon. Il y a des gens pour qui vieillir un monument est une nécessité. On prétend aussi qu’un architecte goth a élevé les murailles de celui-ci, ses tours, ses donjons à formes pyramidales, ses tourelles, accrochées aux angles comme des nids d’oiseaux ; mais il faut en rabattre de quelques siècles, et je tiens la construction tout bonnement pour arabe, ce qui représente après tout une antiquité suffisamment vénérable. Senhor, ajouta-t-il, c’est le château de Feira ; il est en granit, et malgré son apparence délabrée, je le garantis capable de résister longtemps encore aux insultes du temps. »


XV

J’interrogeai mon compagnon sur la province de Trasos-Montes, — c’est-à-dire au delà des monts, de l’autre côté de la serra d’Estrella.