Le village de Farabana est habité par des Malinkés. Situé sur un plateau assez élevé, il est entouré d’une enceinte ou tata en terre glaise, avec courtines et bastions demi-circulaires. L’habitation du chef forme un réduit ; elle est aussi garnie de bastions.
Farabana est riche en dépôts aurifères ; quand les eaux de la Falémé se sont retirées, les habitants recueillent le sable sur ses rives. À l’endroit même ou je fis halte, en avant du village, on ramassa du sable que l’on me remit comme échantillon. La berge y était escarpée, et l’eau, n’occupant qu’une partie du lit de la rivière, laissait une large grève ombragée par des arbres magnifiques. La Falémé y coule du sud au nord ; elle est embarrassée d’îles boisées, de roches schisteuses, et forme un site des plus pittoresques. Ayant résolu de passer sur la rive droite, il me fallut conduire nos animaux à la nage et transporter nos bagages dans une pirogue.
Le 23 décembre, la route avait changé d’aspect ; nous nous écartions de la Falémé, et la végétation s’en ressentait.
Diakhalel, village ruiné par Al-Hadji, est entouré de baobabs, de rondiers, de bambous. J’y remarquai plusieurs arbres du genre érable, dont le diamètre atteignait plus d’un mètre cinquante centimètres, et dont le bois est employé dans l’ébénisterie par les Anglais de la Gambie. Un marigot arrose ses environs et y répand la plus grande fertilité ; ainsi, quoique Diakhalel eût été brûlé et que ses habitants fussent occupés à le reconstruire, leur récolte de riz, de mil et de pistaches semblait devoir satisfaire surabondamment aux besoins de l’année.
On extrait aussi en ce lieu, du sable recueilli dans les marigots, une certaine quantité d’or.
Une heure de marche sépare ce village de celui de Kassakho, assis dans une plaine entourée de montagnes, et qui possède une enceinte comme Farabana : c’est le plus grand village que j’aie rencontré jusque-là. On y recueille de l’or, surtout pendant l’hivernage, époque à laquelle les pluies font sur les montagnes l’office du lavage, et permettent de l’obtenir avec beaucoup moins de peine.
À mon arrivée, j’installai mon bivac en dehors du village, et j’allai voir le chef. Il me reçut au milieu de ses guerriers (cent fusils au moins), et vint ensuite, avec tout son monde, me rendre la politesse que je venais de lui faire. Comme il considérait un sous-lieutenant français à l’égal d’un grand chef, je lui laissai cette haute opinion de mes épaulettes et je conversai longtemps avec lui. Pendant notre entrevue, un griot, trouvère local, proclamait les louanges du chef des blancs du Sénégal, et exprimait, de la façon la plus bruyante, le cas qu’il faisait des paroles de paix et d’amitié que je leur apportais. Après m’avoir assuré du désir que toute la population de ce pays a de voir le gouverneur du Sénégal y former des établissements, le chef se retira, et bientôt tous ses griots et griotes vinrent m’accabler de leurs chants, de leurs danses, et d’un bruit de tamtams et de castagnettes en fer dont nos établissements du Sénégal ne peuvent donner qu’une faible idée. Je subis cette épreuve patiemment, et, moyennant quelques feuilles de tabac et quelques poignées de sel, je passai pour l’avoir généreusement rétribuée. Mais jusqu’au moment où la nuit me déroba aux regards, tout le village, hommes, femmes et enfants, s’empressa autour de moi pour satisfaire la curiosité assez naturelle qu’excite chez les nègres de l’intérieur la vue d’un blanc. Le soir, enfin, on offrit du riz à mes hommes. J’ai dit plus haut que Farabana était le premier village malinké de la Falémé. À partir de ce point, tout Bambouk est exclusivement habité par cette race.
De Kassakho à Tambala, la route est pénible, sans eau et à travers des montagnes où on rencontre du fer et du quartz à chaque pas ; le sol est couvert d’une végéta-