Page:Le Tour du monde - 04.djvu/120

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une poussière dont mes yeux avaient été victimes quelques jours auparavant à la fête populaire de Krasnaïa-Gora[1].

J’ai dit deux tarantasses et je dois une explication : outre la personne chargée de me conduire à Saint-Pétersbourg, je devais avoir le plaisir de faire la route jusqu’à Vladi-Kavkas, de l’autre côté de la montagne, avec le comte Nostitz, officier distingué de cavalerie dans la garde impériale et, en outre, photographe enthousiaste ; puis avec le baron Finot, notre excellent consul à Tiflis, qui entreprenait une tournée pour visiter en détail le pays qui relève de son consulat. C’était un chagrinant début de voyage et une bonne fortune qu’une aussi aimable compagnie, dont je fus enchanté de profiter jusqu’au moment ou malheureusement nous dûmes nous séparer.


La vallée de Koura. — Mtskheta : son église. — Doucheti. — Hospitalité.

Les environs de Tiflis sont accidentés ; ce n’est pas encore la montagne, mais des collines élevées entourent la vallée où coule le Koura, le Cyrus des anciens. Ce fleuve qui se jette dans la mer Caspienne, au sud de Bakou, n’est navigable qu’à trois cents verstes au-dessous de la capitale de la Géorgie, néanmoins la quantité d’eau qu’il débite au-dessus de la ville est considérable, surtout à l’époque où nous nous trouvions, alors que la fonte des neiges s’établit dans les hauts sommets ; tel qu’il était alors il roulait ses eaux jaunâtres au milieu des rochers qui parsèment son lit, d’une largeur immense d’abord, puis qui plus haut s’encaisse graduellement jusqu’à l’endroit où il reçoit les eaux de l’Aragvi près de la petite ville de Mtskheta, placée au confluent des deux rivières.

Halte d’une famille géorgienne près d’une fontaine. — Dessin de Blanchard.

Avant d’y arriver, nous avions rencontré sur la route un Polk[2] de Cosaques du Don changeant de cantonnement. L’uniforme, si rigoureusement maintenu dans les garnisons, n’est en voyage que l’exception, et ceci se comprendra si l’on sait que tout, jusqu’au cheval, est la propriété particulière de chaque Cosaque ; aussi, que de touloupes[3], de bourkas, de vieilles capotes ! Ce que ce spectacle perdait en uniformité militaire, il le regagnait en

  1. Espèce de Longchamp qui se tient au sommet d’une haute colline sur la rive gauche du Koura, en face de Tiflis. On y trouve tous les jeux forains et surtout toutes les combinaisons de balançoires, katcheli, divertissement populaire en Russie. Le nom Krasnaïa-Gora (montagne rouge) ne signifie pas que la montagne soit de cette couleur qui implique en russe une idée de beauté ; la traduction serait plutôt belle montagne.
  2. Régiment ; de là Polkovnik, colonel. Il se divise en un certain nombre de sotnias, centaines, de sto, cent.
  3. Touloupe, pelisse de peau de mouton.