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Le retour d’une vente d’esclaves à Rio-de-Janeiro (voy. p. 16).


VOYAGE AU BRÉSIL.


PAR M. BIARD[1].


1858-1859. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS[2].




Condition des esclaves. — Émigrants. — Une lutte nocturne.

Pendant mon séjour à Rio-de-Janeiro, on vendit sept nègres qui avaient appartenu à un maître humain et bienveillant. Ces pauvres diables, habitués à être traités avec douceur, furent pris d’effroi à la pensée de devenir les esclaves d’un autre maître. Ils se révoltèrent et se barricadèrent ; mais, après avoir opposé à une soixantaine de gendarmes une défense désespérée, après avoir été blessés pour la plupart, ils furent conduits à une maison de correction où les maîtres, mécontents de leurs esclaves, les font enfermer et quelquefois punir de la peine du fouet. Du reste, les cruautés sont devenues fort rares au Brésil. Peut-être l’intérêt des maîtres est-il pour quelque chose dans la façon plus humaine dont on traite aujourd’hui les nègres. Depuis que la traite est abolie, un nègre qui autrefois coûtait mille ou douze cents francs, en vaut six à sept mille.

En somme, la vie du nègre au Brésil est bien préférable à celle de la plupart des malheureux colons que des spéculateurs y expédient avec de belles promesses et qui sont victimes à leur arrivée des plus douloureuses déceptions. On rencontre dans les rues de pauvres gens de tous les pays, pâles, hâves, mendiant leur pain. J’ai vu deux Chinois, dont l’un était aveugle, recevoir l’aumône d’un vieux nègre. Il faut bien des conditions, que probablement on ne fait pas connaître à l’avance, pour qu’un colon puisse se livrer avec profit à la culture dans un pays vierge comme le Brésil. Avant qu’il retire quelque fruit de son travail, il s’écoule plusieurs années, et si, pendant cet intervalle, il n’est pas soutenu, sa perte est certaine…

Mais revenons à mes travaux. J’avais hâte de terminer les portraits de l’impératrice et des princesses. Je refusais toutes les autres demandes. Je n’avais qu’un but : voyager, faire des études, et retourner en France au plus vite ; cependant l’heure de la liberté n’était pas près de sonner encore. L’empereur vint un jour voir les trois

  1. Suite. — Voy. page 1.
  2. Nous rappelons que tous les dessins de ces livraisons sur le Brésil ont été exécutés par M. Riou d’après les croquis et sous les yeux de M. Biard.