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devant soi, la lèvre dentelée du sud surmontant des assises de rochers perpendiculaires. Tout autour, la neige fait une bordure blanche qui s’arrête brusquement sur les points où la paroi devient verticale. Du côté de l’entrée du cratère, qu’en l’honneur du ministre qui nous y a envoyés, nous appellerons la brèche de Siliceo, descend avec un angle d’environ trente-cinq degrés un plan composé de sables volcaniques sans consistance et de fragments de roches. Ces matériaux sont retenus en partie par des rochers de forme bizarre qui surplombent le gouffre et qui remplissent les fonctions d’un parapet démantelé. Chaque pas que l’on fait dans ce sable, un simple coup de vent, suffisent pour le mettre en mouvement ; il glisse sur lui-même, entraîne des pierres en même temps, et passant entre les intervalles qui séparent les rochers, va ricocher de saillie en saillie pour s’ensevelir au fond de l’abîme. Comme ce plan est exposé en plein midi, il n’y a pas de neige ; mais à son point de jonction avec le versant extérieur du volcan qui regarde le nord, la neige apparaît avec une épaisseur de quatre-vingts centimètres à un mètre dix centimètres. Elle représente, sur ce point, en dedans, une muraille verticale curieusement fouillée et historiée, tandis que du sommet de la muraille, au dehors, une surface unie et dure s’incline doucement et forme comme le collet d’un manteau gigantesque dont les plis enveloppent le volcan jusque vers la Bruz.

Cratère du Popocatepetl, vue prise à la brèche de Siliceo. — Dessin de Sabatier d’après Laveirière.

J’avais de la peine à croire que l’on pût rencontrer des animaux dans des régions aussi élevées. Il paraît cependant qu’un animal ressemblant à un rat de pelage roux y a fixé sa demeure. On m’a assuré qu’on en avait vu a plusieurs reprises, et même pendant notre séjour, le majordome et Augel en ont aperçu un seul qu’ils ont poursuivi sans pouvoir l’atteindre. Malgré cette preuve, je pense que ces animaux ne pourraient vivre toute l’année dans le cratère, où l’on ne remarque aucune trace de végétation. Que, dans leurs courses vagabondes, ils parviennent du dehors jusque dans le cratère, c’est possible, car sur le versant méridional du volcan, la zone de neige diminue tellement à une certaine époque de l’année, qu’il n’y aurait rien d’extraordinaire à ce qu’ils la franchissent sans trop de peine.

L’air est chargé d’émanations sulfureuses provenant en partie de l’intérieur du cratère, en partie de la précipitation des vapeurs qui jaillissent de quelques fumerolles supérieures. Plusieurs de ces fumerolles débouchent dans des crevasses de rochers, à droite de la brèche Siliceo, non loin du pico Mayor. Cette atmosphère semble conserver infiniment les débris végétaux ; à notre entrée, j’ai observé un pieu de bois équarri, abandonné depuis plus de huit ans, dont la couleur était si fraîche, qu’on l’aurait cru récemment tiré de la forêt. Il est vrai que les arbres de Tlamacas sont très-résineux, ce qui peut aider à leur conservation, mais il ne me paraît pas douteux que l’atmosphère sèche, froide et chargée de gaz sulfureux du cratère y contribue principalement.

De la brèche de Siliceo, à droite, on descend oblique-