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fleur de l’asclepias est blanche à la base et violette au sommet. C’est une plante laiteuse.


Ghardaya, 8 août.

… J’ai promis à M. Petermann et à la Société de géographie de leur envoyer des mémoires sur le pays des Beni-Mezab avant de quitter ces parages, mais je t’ai promis aussi, à toi, chose semblable. À tout seigneur, tout honneur : je te servirai avant messieurs les savants. Mais j’ai bien peu de temps et jeune puis pas penser à faire de brouillon ; excuse donc les fautes de l’auteur.

Village nègre, à Biskra. — Dessin de A. de Bar d’après une photographie de M. le docteur Puig.

La vallée de l’Oued-Mezab est l’une des nombreuses déchirures d’un vaste plateau de roc vif, qui s’étend depuis environ une journée de marche au nord de Ghardaya jusque bien loin au sud de Methlily. (Ici, les cartes tracées, non sur les lieux mais sur ouï-dire, ne valent plus rien.) Les Arabes ont donné le nom de Chebka ou filet au réseau de vallons et de ravins qui caractérise la partie septentrionale du plateau, celle où sont les villes des Beni-Mezab, à l’exception de Gnérara et de Berrian, qui sont en dehors du Chebka. Toutes ces vallées finissent par se réunir, et vont aboutir dans la régiou de Ouargla ; les unes par le canal de l’Oued-Nesa, les autres par l’Oued-Mezab même. Comme il est facile de le concevoir, le plateau en question est excessivement aride et nu ; quelques graminées et l’artémise de Judée, espèce de thym aromatique, sont les seules plantes qui trouvent encore le moyen de végéter sur ce sol ingrat ; mais ces végétaux eux-mêmes y sont très-clair-semés et rabougris ; c’est à peine si l’œil peut les découvrir à quelques pas et les distinguer sur la surface rougeâtre et uniforme du plateau. Quelque déserts que soient ces rochers, deux créatures vivantes en font cependant leur séjour de prédilection : l’une est le mouflon à manchettes, le même qui vit aussi dans les montagnes de la Sardaigne et de la Corse ; l’autre, une espèce de petit cochon d’Inde que l’on nomme « goundi. » Quant aux vallées, ou plutôt aux ravins, la nature y est un peu plus vivante ; la vue fatiguée par la monotonie du désert trouve à se reposer sur quelques touffes verdoyantes de jujubier sauvage ; de nombreux genêts et de hautes graminées ressemblant à des roseaux (stipa statoides) permettent au chameau de tondre eu passant quelques bouchées de sa nourriture de prédilection. De petits troupeaux de gazelles fréquentent les endroits de ces vallées où le jujubier sauvage abonde, car les feuilles de cet arbuste forment leur nourriture habituelle. Un Chaanbi de Ouargla m’a raconté que les chasseurs choisissaient le moment où les gazelles broutent pour s’approcher d’elles et les tuer. Leur avidité à dépouiller les jujubiers et les mouches, dont les piqûres les obligent à tenir les paupières baissées, font que ces ani-