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la chasse, le pillage, la surveillance de leurs animaux domestiques, l’équitation, le maniement de la lance, des boules, de la fronde et du lazo. La plupart des Pampéros possèdent aujourd’hui des ustensiles de cuisine provenant du butin de leurs expéditions de pillage et qui leur servent à la préparation des viandes. Les femmes que regarde ce soin évitent de trop faire cuire les aliments ; elles mettent de l’eau dans un vase, la font chauffer, y plongent des morceaux de viande qui, lorsqu’ils blanchissent, sont immédiatement retirés comme suffisamment cuits et mangés aussitôt avec un peu de sel, car l’usage de ce condiment leur est connu. Dans les tribus soumises, on voit les Indiens manger de la viande bien rôtie ou bien cuite, mais cependant, comme ceux de l’intérieur, ils considèrent comme un régal de dévorer crus le poumon, le foie et les rognons de tous les animaux, dont ils boivent en outre le sang chaud ou caillé.

Les habitations sont des tentes en cuir que ces sauvages transportent dans leurs migrations. Leur costume se compose d’une pièce d’étoffe quelconque dans le milieu de laquelle ils pratiquent une ouverture pour passer la tête ; une autre pièce de petite dimension leur serre la taille ; leur tête est entourée d’un lambeau d’étoffe qui maintient leur chevelure séparée en avant et qui leur retombe à longs flots sur les épaules. Ils s’épilent avec soin tout le corps, sans même épargner les sourcils. Ils se peignent la figure à l’aide de terres volcaniques que leur apportent les Araucanos dans leurs visites annuelles. Les couleurs employées varient selon les goûts ; celles qui dominent le plus sont le noir, le rouge, le bleu, le blanc.

M. Guinnard gardant les troupeaux des Patagons.

Les femmes s’entourent la taille d’une pièce d’étoffe fabriquée par elles avec la laine de leurs moutons, quand elles n’ont point quelques lambeaux d’étoffes provenant des razzias de leurs époux. Ce vêtement les couvre généralement depuis les épaules jusqu’au-dessous des genoux, et ressemble à un fourreau d’où sortent tête, bras et jambes, sans harmonie et sans art. Ce costume est fixé à sa partie supérieure par une broche (toupou) en argent, dont la grande tête ronde et plate rappelle le fond d’une casserole bien étamée. À la hauteur des hanches, une ceinture en cuir cru ornée de dessins de diverses couleurs, fortement serrée, achève de maintenir leur vêtement ; comme les hommes, elles s’épilent le corps, les sourcils, et se peignent la figure, dont le bizarre et dur aspect est rehaussé d’une parure en perles grossières, espèce de résille qui maintient leurs cheveux séparés en deux nattes fort longues qui leur tombent jusqu’aux reins. Des boucles d’oreilles carrées et d’une grande dimension achèvent de les parer selon leur goût ; les plus jeunes portent également aux poignets et au-dessus des chevilles, des bracelets à demeure, faits de perles grossières, de plusieurs couleurs, enfilées dans des fibres tirées de la viande. Le physique de la femme se rapproche beaucoup de celui de l’homme ; on en trouve cependant quelques-unes qui ne sont pas aussi laides ; elles émanent des races indienne et chrétienne, la plupart filles de captives.

Les femmes savent manier la lance, les boules et le lazo aussi bien que les hommes, et montent à cheval à leur instar.

Si peu élevé que soit le chiffre de la population que je décris, surtout relativement à l’espace immense qu’elle occupe, ce chiffre, qui ne dépasse certainement pas 40 000 âmes, tend à décroître d’année en année, et cette décroissance doit frapper principalement les tribus du Nord, les Pampéens proprement dits, parmi lesquels les femmes sont en minorité par suite des guerres à outrance que leur firent les Gauchos de Rosas il y a une trentaine d’années. Réduits à fuir, les indigènes se réfugièrent près des Cordillères environnant le Chili, dans le voisinage des Araucanos, chez lesquels demeurèrent la plupart de leurs femmes. Le petit nombre de celles qui restèrent fidèles fut loin de suffire aux Pampéens lorsqu’ils revinrent habiter leurs anciens terrains de parcours, et malgré la quantité de captives qu’ils font fréquemment, la moyenne est encore de nos jours d’une femme contre cinq hommes ; chez les Araucanos, par contre-coup, les femmes sont en majorité. Les mœurs des Pampéens autorisent la possession de plusieurs femmes ; il en résulte que les plus riches d’entre eux en