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orientale : c’est, après Bornéo et la Nouvelle-Guinée, la plus grande île du monde. Sa superficie est d’environ dix milles carrés géographiques. Sa population, évaluée bien diversement, varie, suivant les estimations, de un million et demi à six millions d’habitants.

L’île possède d’immenses forêts, de vastes plaines, vallées et gorges, beaucoup de rivières et de lacs, et de grandes chaînes de montagnes, dont les pics s’élèvent à trois et quatre mille mètres et même plus haut.

La végétation est extrêmement riche et le climat très-chaud. Ce dernier est excessivement malsain pour les Européens le long des côtes où il y a beaucoup de marais ; il l’est moins dans l’intérieur du pays. Les principaux produits sont : des baumes et des résines, du sucre, du tabac, de la soie, du riz, de l’indigo et des épices. Les forêts fournissent de superbes bois de construction, les arbres fruitiers produisent presque tous les fruits de la zone tropicale. Parmi les nombreuses espèces de palmiers, il faut surtout citer le beau palmier d’eau et le raffia. Le baobab, ce roi monstrueux des végétaux africains, croît, dit-on, sur la côte occidentale de l’île. Quant au règne animal, Madagascar possède aussi quelques espèces particulières parmi lesquelles on compte huit ou dix variétés du genre maki, le perroquet noir et beaucoup de bêtes à cornes, de chèvres, de brebis et de beaux oiseaux. Les bois et les savanes sont habités par des buffles et des sangliers, des chiens et des chats sauvages ; mais on n’y trouve aucune autre espèce d’animaux dangereux. Les serpents y sont inoffensifs, les autres reptiles très-rares, et comme animaux venimeux il n’y a que la scolopendre et une petite araignée noire, qui vit sous terre, et dont la piqûre passe pour mortelle, mais qu’on ne rencontre que rarement. L’île abonde aussi en métaux, surtout en fer et en charbon de terre. Ses richesses minérales sont encore peu explorées.

Quatre races différentes habitent cette grande terre. Au sud demeurent les Cafres, à l’ouest les Nègres, tandis qu’au nord domine la race arabe, et à l’est et dans l’intérieur la race malaie. Ces principales races se divisent en beaucoup de tribus ; celle des Hovas, appartenant à la race malaie, est la plus nombreuse et la plus civilisée de toute l’île, qu’ils ont presque entièrement conquise depuis le commencement de ce siècle.

La partie de l’île la moins connue est la côte sud-ouest, dont les habitants passent pour les gens les plus inhospitaliers et les ennemis les plus déclarés des Européens ; Tous ces peuples sont, comme la plupart des peuples primitifs, très-paresseux, curieux et très-superstitieux.

Les Français, comme nous l’avons déjà dit, ont tenté depuis 1542 de s’établir à Madagascar. Ils conquirent d’abord quelques districts, fondèrent çà et là des comptoirs, construisirent de petits forts, mais ils ne purent les conserver. Toutes leurs tentatives échouèrent, d’une part par la malignité du climat, d’autre part et surtout par les mêmes causes qui leur firent perdre, dans le siècle dernier, l’Inde et le Canada.

Sur leurs traces les Anglais essayèrent aussi, mais également sans succès, de fonder des établissements à Madagascar ; ils s’emparèrent des forts de Tamatave et Foulepointe, mais ils ne purent les conserver que peu de temps.

Cependant, dans l’intérieur du pays, l’empire des Hovas s’était considérablement agrandi. Dinampoiene, le chef hova de Tananarive, après des guerres heureuses contre des chefs moins puissants, réunit leurs États aux siens. Il passe pour avoir été un homme très-actif et très-intelligent, qui donna de bonnes lois à son peuple et lui défendit l’usage des liqueurs et du tabac. À sa mort, en 1810, son empire, déjà puissant, passa sous le sceptre de son fils Radama, qui n’avait alors que dix-huit ans. Il était, comme son père, intelligent, honnête et très-ambitieux ; il se fit l’ami des Européens et rechercha leur société pour étendre le cercle de ses connaissances.

Profitant de ces dispositions du prince, les Anglais surent bientôt gagner ses bonnes grâces. Il leur accorda toutes sortes de distinctions et poussa l’engouement pour eux jusqu’à porter quelquefois un uniforme anglais. Il reçut en dédommagement de l’argent et des présents d’une valeur de deux mille livres sterling, et le gouvernement anglais promit en outre de faire instruire dix jeunes gens de Madagascar en Angleterre et dix autres à Maurice, dans différents arts et différents métiers.

Radama observa exactement le traité, jusqu’au moment où le général anglais Hall arriva au gouvernement de Maurice. Ce fonctionnaire, croyant sans doute que les sauvages n’étaient pas des hommes, ne rougit pas de déclarer publiquement qu’un contrat conclu avec un sauvage n’avait pas la moindre valeur, et il ne se fit pas faute de l’enfreindre de toutes les manières. Il s’ensuivit naturellement que Radama rétablit la traite et se mit à favoriser les Français aux dépens des Anglais, qui longtemps tentèrent en vain de regagner leur influence. Ils s’étaient rendus si odieux, non-seulement à Radama, mais aussi au peuple, qu’on avait fini par appeler Anglais tout ce qui était regardé comme faux ou mensonger. Néanmoins, ils réussirent plus tard à renouveler le traité et à obtenir même d’autres concessions. Ainsi en 1825 Radama accorda aussi aux missionnaires anglais le droit de s’établir dans l’île, de construire des maisons, de faire le commerce, de cultiver la terre et de fonder des entreprises industrielles.

En poursuivant les plans ambitieux de son père, Radama était parvenu à étendre sa domination sur la plus grande partie de l’île et à devenir roi de Madagascar. Il réunissait sous son sceptre, outre le pays des Hovas, celui des Seklaves avec leur capitale Bambetok, sur la côte nord-ouest, sur la côte occidentale mozangaye et sur la côte nord, les pays des Antrawares et les Betimsavas. La côte sud-ouest seule et quelques cantons du sud-est avaient conservé leur indépendance.

L’influence dont les missionnaires jouirent auprès de ce roi, ils la durent en grande partie aux louanges et aux flatteries dont ils le comblèrent. Ils lui décernèrent de son vivant le titre de Grand, que l’histoire lui conservera peut-être en songeant à tout ce qu’il a fait pendant la