Page:Le Tour du monde - 04.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’est et au sud-est ; mais aucune, jusqu’à présent, n’a pu effectuer la traversée complète du continent. La nature affreusement stérile des plaines intérieures a toujours opposé aux voyageurs les plus résolus des obstacles devant lesquels il a fallu reculer, sous peine de périr de faim et de soif au milieu de ces terribles déserts.

Tant d’insuccès n’ont pu lasser la constance des explorateurs.

De tous les précédents voyageurs, celui qui avait pénétré le plus avant dans les parties centrales en essayant de couper le continent tout entier d’une côte à l’autre, était le capitaine Sturt, du corps des ingénieurs. Au mois de septembre 1845, il atteignit, en montant du sud au nord sous le méridien du golfe de Carpentarie, un point situé à peu près à égale distance du fond de ce dernier golfe et de la côte méridionale (par vingt-quatre degrés trente minutes de latitude australe, cent trente-sept degrés cinquante-neuf minutes est de Greenwich) ; là il se vit arrêté par des solitudes arides, dont le sol, de nature saline, ne renfermait pas une seule goutte d’eau douce. Parmi ceux qui l’accompagnaient se trouvait un Écossais qui faisait, durant ce voyage, son rude apprentissage d’explorateur : c’était Mac Douall Stuart, qui vient de renouveler l’entreprise sur une ligne plus occidentale, et qui s’est avancé de près de six degrés plus au nord que le capitaine Sturt. L’expédition de Mac Douall a eu lieu en 1860 (du 6 mars au 25 août) ; mais les résultats n’en ont été connus en Europe que dans les premiers mois de cette année. La Société de géographie de Londres a décerné sa grande médaille d’or au courageux voyageur dans la réunion annuelle du 27 mai dernier.

M. Stuart, depuis 1845, avait fait plusieurs voyages partiels dans la région du lac Torrens, en vue de découvrir de nouveaux territoires propres à la colonisation ; cette fois son projet était de traverser le continent tout entier en partant du lac Torrens et en se portant au nord-ouest, en vue d’atteindre la rivière Victoria qui débouche au milieu de la côte du nord. L’intervalle à franchir était de seize degrés environ à vol d’oiseau, c’est-à-dire de onze cents milles anglais ou quatre cents de nos lieues communes, sans compter les sinuosités de la route.

De cet espace, le voyageur a parcouru treize degrés ou à peu près neuf cents milles, mais en s’élevant plus directement au nord qu’il ne l’avait projeté. Il a dû s’arrêter à quatre cent cinquante milles au sud-est du golfe de Cambridge, où vient aboutir la rivière Victoria, et à deux cent soixante milles du golfe de Carpentarie, vers le sud-ouest. Encore trois semaines de marche, et il atteignait soit les territoires explorés de la rivière Victoria, soit le fond du golfe Carpentarie. Les attaques répétées de troupes d’indigènes qui se sont montrées à cette hauteur l’ont contraint, malgré son énergie et celle de sa petite troupe, de revenir sur ses pas.

Plusieurs faits importants restent établis par cette expédition. Il est maintenant bien constaté que s’il existe une caspienne dans l’intérieur de l’Australie, comme on l’a souvent supposé, ce réservoir n’en occupe pas du moins la partie centrale, que la ligne suivie par M. Stuart a coupée à deux reprises, en allant et au retour. Le 23 avril 1860, date mémorable dans l’histoire géographique du continent austral, le voyageur atteignait un point que ses observations lui montraient devoir être situé au centre même de cette île immense. Sur une hauteur voisine, qui reçut le nom de mont Stuart, le drapeau britannique fut arboré comme un trophée commémoratif, et une inscription consacra le fait et sa date.

Toute la région traversée est très-faiblement habitée sur de vastes espaces, ou tout à fait déserte. Le pays, aux environs du mont Stuart, est légèrement ondulé ; ce sont des landes sans fin semées de broussailles, d’où s’élancent çà et là quelques gommiers à ramures épineuses. Pas de rivières ni d’eaux stagnantes. Seulement de rares oasis à de grandes distances les unes des autres, où quelques sources entretiennent un peu de verdure. Jamais la civilisation ne trouvera place à se déployer sur ce sol déshérité ; tout au plus verra-t-on s’y développer d’oasis en oasis des colonies pastorales, assez rapprochées pour qu’une communication suivie s’établisse d’une côte à l’autre.

Déjà de nouvelles expéditions se sont organisées. Le 20 août 1860, au moment même où se terminait le voyage de Mac Douall, une caravane formée à grands frais, et dont la conduite était confiée à M. Burke, homme capable et déjà éprouvé, partit de Melbourne (sur la côte sud-est), avec l’intention de couper le continent dans la direction du golfe de Carpentarie. Vingt-cinq chameaux avaient été achetés dans l’Inde pour transporter une provision d’eau comme dans les traversées du Sahara. Malgré ces préparatifs, il paraît que l’expédition a eu, comme tant d’autres, une issue fatale ; d’après des nouvelles, on n’a que trop lieu de croire que M. Burke, avec ses animaux et une partie de ses compagnons, a succombé au milieu des déserts. Comme l’Afrique et les glaces polaires, l’Australie aura dévoré son hécatombe d’explorateurs. La ligne que l’on avait prise était plus orientale que celle de Mac Douall Stuart. Ce dernier, de son côté, a voulu achever l’entreprise qu’il avait si bien commencée. Il est parti de nouveau, à la fin de janvier 1861, avec cinquante chevaux et neuf hommes, pour reprendre sa route précédente et tâcher cette fois d’atteindre la rivière Victoria[1].


XII

Explorations asiatiques.

En Asie, il n’y a plus de découvertes à faire ; mais il est bien peu de contrées dont la géographie ne soit à per-

  1. Les dernières nouvelles d’Adélaïde, chef-lieu de South-Australia, nous apprennent le retour en cette ville de ce courageux explorateur, après huit mois de marches consécutives. Cette fois encore le manque d’eau et de vivres l’a empêché d’atteindre les rivages nord-ouest du continent australien ; mais les résultats scientifiques de ce voyage semblent de beaucoup plus importants que ceux de sa première expédition. Il a dépassé la limite extrême de celle-ci de plus d’un degré et demi, et ne s’est arrêté qu’à la latitude