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prolongeaient les quais magnifiques dont Hérodote parle avec admiration, s’élèvent aujourd’hui quelques masures en terre composant une bourgade arabe qui n’a même pas, dans son nom, conservé le souvenir de Babylone.

Vue prise à Hellâh, sur l’Euphrate. — Dessin de M. E. Flandin.


Retour à Bagdad. — Révolte des Bédouins. — Départ pour Mossoul.

Après trois jours passés à Hellâh en recherches et en regrets, je repris la route de Bagdad. Je l’avais parcourue facilement sans danger ; mais dans l’espace de trois jours, il était soudainement survenu des événements qui la rendaient périlleuse. Les Arabes du nord de la Mésopotamie et de la rive droite du Tigre s’étaient révoltés, et ils étendaient leurs brigandages jusque sous les murs de Bagdad. Le gouverneur de Hellâh ne consentit à me laisser partir qu’avec une escorte de quarante cavaliers albanais et arnaoutes qui devaient me conduire jusqu’à Bagdad, et lui répondre de moi sur leur tête. Nous marchâmes militairement, prenant toutes les précautions que la circonstance exigeait. Vedettes, avant-gardes, flanqueurs, rien ne manquait pour donner à notre petite troupe l’aspect d’un corps de cavalerie s’avançant en pays ennemi. Les rares habitants que nous rencontrâmes sur la route, dans les caravansérails, nous dirent qu’en effet ils avaient été pillés le jour précédent, que les Arabes étaient nombreux et se montraient incessamment dans toutes les directions. Soit qu’ils aient fui devant les cavaliers de l’escorte, soit que notre bonne étoile nous ait préservés de leur attaque, nous ne les vîmes pas, et nous atteignîmes Bagdad sans accident.

Je demeurai dans cette ville quelques jours encore en attendant l’abaissement de la température. Le mois de septembre me faisait espérer des chaleurs moins fortes, et j’étais impatient de le voir venir pour me remettre en route vers le nord afin de rentrer en Europe. Le voyage qui me restait à faire était encore bien long : il me fallait remonter toute la Mésopotamie, passer par Mossoul, atteindre Diarbekhir, et de là aller en Syrie chercher l’occasion d’un vapeur. Deux mois passés furent nécessaires pour accomplir le trajet de Bagdad à la Méditerranée, que je côtoyai depuis Latakièh jusqu’à Beyrouth, où je m’embarquai pour la France.

Eugène Flandin.

(La fin à la prochaine Livraison.)