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leurs saints, une grande vénération. — D’après cela, faudrait-il voir dans les Yezidis des mahométans ébranlés dans leur foi, ramenés en partie à celle du Christ, sans être complétement convertis, et mêlant les croyances de l’islamisme aux pratiques du culte chrétien ? — Mais leur manière de vivre, l’isolement dans lequel ils se maintiennent au milieu des populations mahométane et chrétienne, la sauvagerie de leurs mœurs et leur cruauté même, ne permettent guère de les assimiler aux chrétiens, qui ont d’ailleurs pour eux une répulsion non moins grande que les musulmans. Si les Yezidis fréquentent les églises, il faut ajouter que leurs pratiques religieuses devraient plutôt les en éloigner, car il en est parmi elles qui offensent au plus haut point la morale et dont l’obscénité interdit de retracer ici les honteux mystères. Repoussée qu’elle est hors du giron chrétien, et honnie par les musulmans, quels peuvent donc être les éléments de la religion de cette secte singulière, et où faut-il chercher l’origine du culte barbare que les traditions ont conservé chez les Yezidis ? — Ce culte paraît avoir certains points de contact avec celui des peuples idolâtres de l’antique Assyrie. Reconnaissant, comme eux, deux génies supérieurs, deux êtres surhumains, l’un présidant au bien, l’autre inspirant et faisant le mal, ils adorent le premier sous le nom de Tahous, et le second sous celui de Cheïtan, nom commun du démon dans tout l’Orient. De ces deux divinités, le démon est celle à laquelle ils adressent le plus souvent leurs hommages, prétendant, avec cette logique que le mauvais esprit peut seul inspirer, que Cheïtan étant le génie malfaisant, celui dont les hommes ont tout à redouter, c’est principalement sa colère dont ils doivent se garder, son influence dont ils ont à se défendre. Ils l’appellent le grand cheik et ont pour lui une vénération telle que l’on ne pourrait, sans danger pour sa vie, invoquer ou même prononcer son nom devant eux.

Les Yezidis se divisent en plusieurs familles ou tribus groupées au pied des montagnes qui bornent la Mésopotamie au nord-est. Ils sont sédentaires et se livrent principalement à l’agriculture. On les reconnaît à leurs vêtements, qui se distinguent de ceux des mahométans ou des chrétiens par l’absence de couleurs vives et tranchées. Leurs femmes sont entièrement vêtues de blanc ; leur tête seule est couverte d’un mouchoir noir.

Vue prise à Mossoul. — Dessin de M. E. Flandin.

Dans les siècles passés, Mossoul a eu une plus grande importance que de nos jours. Elle a eu ses sultans particuliers, et l’un d’eux, célèbre par sa férocité autant que par son courage, a figuré à la tête des armées musulmanes qui combattirent et harcelèrent sans relâche celles que les croisades de l’Occident envoyaient vers les lieux saints. Aujourd’hui, rangée sous l’autorité de la Porte, ville de second ou troisième ordre, éloignée de Constantinople,