Page:Le Tour du monde - 05.djvu/132

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qu’il me serait impossible de tenter aucune observation de physique. À part les grands arbres qui avaient pris racine dans ce terrain boueux, le sol était entièrement dénudé ; les naturalistes ne pouvaient le parcourir, et c’était pour eux le supplice de Tantale, car, outre les singes, on apercevait dans les arbres quelques oiseaux, et nos hommes avaient déjà vu plusieurs serpents se glisser dans ces marécages. Du reste, le jour baissait rapidement, et les exhalaisons fétides de la plage auraient pu être funestes à nos équipages et faire naître des fièvres pernicieuses. Aussi nous y séjournâmes peu de temps, mais les deux heures que nous passâmes à terre furent employées à faire une guerre active aux malheureux singes, les seuls habitants probables de cette forêt aquatique[1]. »

Orang-Outang de Bornéo (simia satyrus). — Dessin de Rouyer d’après un sujet du Muséum d’histoire naturelle.

Tel est, à peu d’exceptions, l’aspect des rivages de Bornéo, surtout à l’embouchure de chacun des cours d’eau que les montagnes du centre de l’île envoient à l’Océan.

Si peu agglomérée que soit sur la vaste surface de Bornéo la population humaine, elle s’y divise pourtant. en trois éléments distincts et hostiles les uns aux autres : — les Dayaks, premiers occupants du sol, où ils sont fixés de date immémoriale et sur lequel nous les étudierons particulièrement ; — les Malais, peuple navigateur et pirate, venu de Sumatra à la suite de la propagation de l’islam ; — enfin les Chinois, dont des groupes nombreux, que chassent de l’empire du Milieu la misère et les guerres civiles, sont attirés journellement à Bornéo par l’appât que leur offre l’exploitation de son sol vierge ; ils ont déjà fondé sur plusieurs points de la côte occidentale des colonies agricoles et industrielles, où les deux autres

  1. Voyage au pôle sud et dans l’Océanie, exécuté pendant les années 1837-1840, sous le commandement de J. Dumont d’Urville (t. VIII, p. 5-9).