Page:Le Tour du monde - 05.djvu/172

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Quatre Maugrabins vinrent chercher de l’or au fond des grottes. Les Arabes se figurent que, dans certains passages secrets et difficiles, il y a des trésors enfouis, gardés par des génies ou des monstres. Ces aventuriers croyaient sans doute pouvoir commander aux génies, car les Maugrabins ont, en Orient, une réputation de sorcellerie, ou bien ils espéraient simplement trouver des bijoux renfermés avec les corps. Toujours est-il qu’ils se hasardèrent plus loin qu’on n’était jamais allé, quand, à un détour où la voie s’élargissait en enceinte, une femme entièrement nue se dressa devant eux : c’était un de ces djinns commis à la garde des trésors souterrains. Ils auraient pu croire sans la blancheur de sa peau que c’était une momie sortie de ses bandelettes pour se venger des profanateurs.

« Donnez-moi un vêtement, » leur dit-elle.

Ils ne furent pas médiocrement impressionnés par cette apparition et par ces paroles. Leur chef dit :

« Donnez une chemise à cette femme. »

Pendant ce temps, elle s’était baissée, et le chef avait à peine achevé de parler qu’elle jeta à la figure des quatre Maugrabins une poignée de cette poussière brûlante des corps exfoliés. Trois, complétement aveuglés, chancelèrent, tâtonnant, se heurtant les uns les autres et contre les parois ; ils tombaient, se relevaient, cherchaient une voie qu’ils ne devaient plus retrouver. Combien de temps souffrirent-ils ainsi tous trois, hurlant des douleurs de la faim et du désespoir ! Le chef ne perdit qu’un œil et s’échappa, car il avait sur lui des amulettes et un livre plein de formules magiques.

Intérieur des grottes de Samoun. — Dessin de Karl Girardet d’après M. Georges.

Ce récit n’était pas plus invraisemblable que la légende de Daklé, et de plus, dépouillé de ses accessoires extraordinaires, il devenait tout à fait croyable.

On va ainsi sur cette voie pavée de cadavres qui s’étend toujours devant vous béante, sombre, profonde, et Dieu sait où l’on aboutirait sans la fatigue, l’oppression, le manque de lumière, l’impatient désir de revenir au jour, mal à l’aise comme l’on est et las de ces funèbres impressions. La chaleur est d’ailleurs difficile à supporter. En fouillant tous ces fragments et tous ces débris, la poussière, devenue plus épaisse, pénètre comme un caustique dans les yeux, le nez, la bouche, et pour ainsi dire par tous les pores. La figure de nos Arabes ruisselait d’une sueur qui bariolait bizarrement leur face enduite de bitume.

Malgré des trébuchements continuels, des heurts à la tête, aux genoux et aux coudes, malgré les chauves-souris, le retour me parut moins pénible. Je craignis un instant, ignorant les signes auxquels les guides reconnaissent la voie, que celui-ci ne se fût trompé de couloir ; mais bientôt une faible lumière tombant d’en haut nous indiqua l’ouverture, et, après une heure de cette péré-