Page:Le Tour du monde - 05.djvu/180

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pressant de pousser devant eux leur bétail aussi tremblant qu’eux. Seul, un bœuf qui ruminait paresseusement au coin de quelque fourré se trouve bien à sa place et ne veut pas la quitter. Après force coups de bâton, les bergers jugent que c’est une bête sacrifiée et l’abandonnent à sa perte. Le lion arrive en bondissant et se jette de front sur notre flâneur ; celui-ci le reçoit sur ses cornes et le lance à dix pas. Le lion furieux revient, fait une attaque de flanc que le bœuf ne peut parer assez vite, et d’un coup de griffe lui met l’omoplate à nu. Le pauvre animal se remet en position, rend coup pour coup, et au bout de quelques minutes, les bergers, qui du haut d’un observatoire prudemment choisi (arbre ou rocher) avaient vu l’affaire, arrivent sur le champ de bataille pour relever un bœuf estropié et un lion éventré, parfaitement mort. Je crois même me rappeler que le vainqueur l’avait réduit contre un gros tronc d’arbre. On les rapporta à la ville sur deux brancards, au milieu des acclamations les plus triomphales et des zar’ar’it les plus aigus. Le propriétaire était un homme riche, et, comme les musulmans, porté à la pitié envers les animaux ; au lieu d’envoyer à l’abattoir cette vaillante bête, désormais inutile, il la fit soigner par le chirurgien de la garnison. Le bœuf guérit, mais resta avec l’épaule cassée ; et bien traité à l’étable, il a reçu depuis un bracelet d’or que lui a passé à la corne quelque admirateur du courage. Il porte une décoration fort méritée et n’en est pas, paraît-il, plus fier.

Baggara (environs de Douem). — Dessin de Karl Girardet d’après M. Lejean.


Panorama de l’oasis. — Le Gache. — Hyènes. — Départ pour le sud. — Un fleuve escamoté, et à quoi sert un ingénieur wurtembergeois.

Je continuai à monter et finis par atteindre un escarpement à pic, muraille polie, que mouchetaient de leur