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J’ai hâte d’aller vers la tombe de Jésus. C’est là ce qui m’intéresse le plus, et, tout un peu libre penseur que je sois, je tremble à cette seule idée comme un enfant qui aurait à comparaître devant un roi. Je sens mes jambes fléchir sous les palpitations de mon cœur.

Un peu à droite, je me trouve sous une grande coupole (C, C), dont le centre est à jour et qu’on couvre seulement d’une toile quand il pleut. Au-dessous de cette ouverture est un petit monument en marbre, une sorte de carré long dont la façade a de largeur cinq mètres et demi et dont la profondeur est d’environ huit mètres (D). Il est orné de pilastres. Du côté opposé à son entrée il d’une coupole évasée : c’est ce que l’on appelle le saint sépulcre (voy p. 236). Il y a cinquante ans, il tombait en ruines. Un architecte peu connu a construit cet édifice aux frais des chrétiens grecs, en 1817. Comment les Grecs ne se croiraient-ils pas plus les maîtres ici que les Latins ? Il semble que ces derniers ne soient en possession que d’une chapelle, d’une galerie et de quelques droits que par privilége. Les Grecs occupent exclusivement tout ce que nous appellerions la nef de l’église.

J’entre. Le Saint-Sépulcre est divisé en deux parties : la première, ornée de pilastres, sert de vestibule ; on l’appelle la chapelle de l’Ange (m) ; elle est percée au fond d’une porte basse, étroite, cintrée. Cette porte conduit à une chambre qui a un peu plus de deux mètres de long sur moins de deux en largeur (no).

« C’est ici le tombeau du Christ, me dit mon guide.

— Mais où est ce tombeau ?

— À votre droite.

— Je ne vois qu’un coffre de beau marbre blanc dont la tablette supérieure est fendue. Il est impossible que ce soit la tombe du Christ, dis-je un peu fâché.

— Sans doute, on ne voit pas la vraie tombe, elle est dessous. »

Je ressens du dépit, et mon émotion est comme refoulée. On ne voit jamais rien.

Plus tard on m’a expliqué que les pierres consacrées par la tradition auraient été depuis longtemps cassées, arrachées, et volées par les pèlerins, si l’on ne s’était déterminé à les cacher entièrement. D’abord on avait pratiqué trois trous dans le marbre de la fausse tombe afin qu’il fût possible de regarder par là le vrai sépulcre ; mais certains chrétiens avaient trouvé le moyen d’introduire même par ces trous de longues petites pinces de fer de manière à briser quelques fragments du sarcophage et les tirer jusqu’à eux. Toujours est-il que, sauf à la porte intérieure du Saint-Sépulcre, où la roche antique est à nu, on ne voit autour de soi que du marbre.

Je me fais conduire au Calvaire. On me ramène dans la direction de la pierre de l’onction et du divan turc. Nous tournons la tête vers la porte d’entrée ; le Cal-