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Parmi les pèlerins, plusieurs passent la nuit dans l’église du Saint-Sépulcre.


Le vendredi saint.

Les cérémonies et les scènes diverses du vendredi saint m’ont laissé un étrange souvenir. C’est au Calvaire que s’est fait l’office du matin. Aussitôt qu’il fut terminé, et bien que les Latins fussent en droit d’attendre jusqu’à midi, on a ouvert les portes de l’église. Rien ne peut donner une idée de ce que j’ai vu alors du haut d’une galerie. En moins d’une demi-heure le temple s’est trouvé transformé en une sorte de vaste hôtellerie, offrant aux yeux les spectacles les plus imaginables pour un homme qui arrive en droite ligne de son village à Jérusalem.

Il faut savoir que le grand intérêt de la semaine sainte pour les Grecs n’est pas précisément d’assister à la représentation de la mort du Christ ; c’est de recevoir le feu sacré de la journée du samedi saint. Toute cette multitude de pauvres pèlerins, qui m’avait inspiré tant de pitié lorsqu’ils avaient défilé en longues caravanes, par la porte de Bethléem, attendait émue, haletante, sur le parvis et dans le quartier voisin (voy. p. 233). Je ne réussirai jamais à décrire assez bien à mon gré ce qui s’est passé en ce moment. J’essaye en vain. Définitivement je ne puis rien faire de mieux que de citer ces quelques lignes d’un de nos coreligionnaires, M. le docteur Juglar[1] :

Pèlerins grecs se baignant dans le Jourdain.

« Chaque famille (de l’Église grecque) apporte son mobilier et quelques ustensiles de ménage : il s’agit de passer vingt-quatre heures dans le Saint-Sépulcre pour assister à la cérémonie du feu sacré et en recevoir les premières étincelles. Les hommes portent des nattes, des matelas, des couvertures roulées dans des tapis. Les femmes, leurs enfants dans leurs bras ou les traînant après elles, portent des vases de terre avec de l’eau, quelques olives, des galettes du lait caillé dans un sac de sparterie. Tout le monde se précipite, et en un clin d’œil envahit le temple.

« Les plus heureux, les premiers, ont déjà adossé, étendu leurs lits autour du petit monument du Saint-Sépulcre, d’où le feu sacré doit sortir ; d’autres se placent au pied des colonnes, laissant un étroit espace pour la circulation, qui ne se fait pas sans les fouler aux pieds. La coupole remplie, on se réfugie dans le chœur des Grecs, autour des bas-côtés, dans les galeries supérieures. Sur la paroi extérieure du chœur des Grecs se trouvent, dans l’épaisseur du mur, de grandes armoires

  1. Bulletin de l’œuvre des Pèlerinages en terre sainte, t. Ier, p. 200 et suiv.