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des Mexicains et des Chiliens. Après eux viennent les Anglais et les Irlandais, les Français, les Italiens, enfin quelques Canadiens. Il y a maintenant peu d’Américains sur les mines et placers : ils résident plus volontiers à Coulterville, ou ils remplissent les fonctions communales, par exemple celles de constable et de juge de paix. Ils s’y livrent aussi au commerce d’entrepôt et de détail. Enfin ils sont à la tête de toutes les buvettes et des cafés de la localité, où ils font d’excellentes affaires.

Le Père de la forêt. — Dessin de P. Huet d’après une gravure californienne.

Tous les mineurs des placers sont disséminés le long du ravin de Maxwell’s-creek, de la rivière de la Merced, enfin sur quelques plateaux aurifères dont la richesse a été autrefois fabuleuse. Cette richesse des terres vierges n’a pas tardé, par suite d’une exploitation journalière, à faire place à des teneurs plus modérées ; mais tous les mineurs gagnaient assez bien leur vie, sans trop se fatiguer, quand je me trouvais à Coulterville. Heureux si le jeu, la boisson et autres distractions plus ou moins honnêtes n’avaient pas souvent absorbé en quelques heures le bénéfice de tout un mois de travail !

Les Chinois étaient là, comme partout, les parias des placers. Leur face jaune, leur nez camard, leurs yeux en amande les font détester des Américains, qui n’aiment que les gens de race blanche. Le fils du Céleste Empire, John le Celestial, comme l’appellent les yankees, supporte avec calme cette oppression injuste, et travaille sans se plaindre sur les placers dont les blancs ne veulent plus. Réunis dans des cabanes communes, les Chinois se partagent le soir le fruit des labeurs de la journée. Ils fument de l’opium et du tabac de Chine dans une pipe de bois, et s’abreuvent de thé. La chair blanche du poulet paraît leur plaire beaucoup, et l’on ne rencontre pas en Californie une cabane de Chinois sans une armée de poules alentour. Quand toutes ont été mangées, John court en acheter d’autres au village voisin. John est aussi grand amateur de riz ; enfin il conserve pour ses habits, sa coiffure et sa chaussure nationales une affection toute particulière. Ses pantalons se composent d’une large paire de grègues, et il jette par-dessus ses épaules une jaquette de drap ou de coutil, boutonnant sur le côté. Sa chaussure, en forme de brodequins à la poulaine, appuie sur le sol par une molle et épaisse semelle. John a toujours la tête rasée et porte la longue queue en tresse, tombant derrière le dos. On estime que les Chinois sont aujourd’hui au nombre d’au moins quarante mille en Californie.

Après les Chinois viennent, à Coulterville, les Mexicains, les Chiliens et quelques Péruviens. Ces descendants des Espagnols portent sur leurs traits la trace de leur origine. Les cheveux sont noirs, la figure brune, l’œil vif et plein de feu. Le machete ou long couteau-poignard, que les Mexicains surtout manient avec habileté, orne toujours la ceinture de l’Espagnol des Amériques. Il jette aussi volontiers sur ses épaules le vêtement de laine national, manteau