Page:Le Tour du monde - 05.djvu/296

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comme la plupart des maisons de la ville, une construction basse et massive. L’église, située sur la place qu’orne médiocrement une petite fontaine, est très-simple ; le parvis est entouré d’un mur à faîte découpé, dont les dentelures supportent de loin en loin une grosse boule.

L’unique curiosité du lieu est le château, vers lequel je dirigeai mes pas avant le souper, en compagnie d’un des voyageurs de la diligence. Je tenais à voir le lieu où j’avais dû être enfermé. Malheureusement il est à un kilomètre et demi environ de la ville, et il était trop tard quand nous y arrivâmes pour songer à le visiter. C’est un vaste parallélogramme flanqué de quatre bastions et ceint d’un fossé, assis le plus maladroitement du monde au milieu d’une plaine entourée de hauteurs qui commandent la place. Cette citadelle sert de presidio ; elle renferme en outre un arsenal, un dépôt de munitions, une fonderie de canons et une manufacture d’armes. Les prisonniers français étaient logés dans les casemates de même que les presidarios, dont ils étaient séparés du reste. La chapelle du château renferme les cendres de l’empereur Iturbide, fusillé le 19 juillet 1824, à Padilla ou Tamaulipas, à son retour d’Albion — j’allais dire de l’île d’Elbe, tellement il y a d’analogie dans le fait apparent, en dépit de la différence du résultat. Non licit omnibus adire Corinthum.

Jarocho ou cavalier de la Terre-Chaude. — Dessin de Stella d’après Nebel.


Las Vigas. — Une route mal entretenue. — Jalapa. — Indiens de la Terre-Chaude. — Jarochos.

18 février. — Nous partons à trois heures, Las Vigas est le premier relais, le jour commence à poindre quand nous y arrivons.

C’est un hameau très-pittoresque dont les maisons, construites en planches ou en madriers sur un soubassement en pierres, sont reliées par des chevilles de bois à grosses têtes, d’un effet inattendu et original. On se croirait transporté en Suisse, d’autant mieux que la contrée voisine est montagneuse, tourmentée, coupée, de ravins et couverte de forêts où dominent le sapin et le chêne et, en outre, que la brise du matin est très-incisive sur ces hauteurs.

Une escorte de quelques miliciens à cheval nous suit depuis je ne sais où ; la vue de ces Cosaques qui, drapés dans un sarape effiloqué, montés sur de maigres bidets, trottent aux portières, la lance attachée au bras droit, produit au crépuscule un effet saisissant. La contrée est déserte, mal famée, le bois clair-semé et tout à fait propre à un guet-apens.

Nous commençons à descendre le versant allongé qui conduit à la Terre-Chaude et aux rivages du golfe. Le chemin est exécrable ; il a été pavé autrefois, en grande partie du moins, depuis le hameau de la Cruz