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étendue inférieure à l’ancienne. Elle est bâtie sur une colline d’où elle domine le port. Au sommet de cette colline est une forteresse byzantine, et l’emplacement de cette construction militaire correspond assez exactement à celle du port Siguinum ou Sequin, mentionné par Sanuto et dans les lettres adressées par Jean XXII aux Hospitaliers de la Cilicie. Au pied de la colline serpente une rivière assez large et qui pourrait bien être l’Arymagdus de Ptolémée.

Les ruines que l’on rencontre en allant d’Anamour à Celenderis, ville maritime située à douze heures de la première, sont celles de Nagidus et d’Arsinoé : elles n’offrent rien de particulier. Un peu à l’est, d’autres ruines marquent l’emplacement de Melania, d’après Strabon.

Mais les ruines de Celenderis, où nous fîmes halte et où la caravane resta campée pendant quelques jours, ont une véritable importance. Celenderis était dans l’antiquité une localité célèbre par ses origines mythologiques. Ses ruines bordent une petite baie sur un mille de longueur. On y voit un aqueduc, un château ruiné, vraisemblablement construit sur l’emplacement de celui dont Pison s’était emparé au temps de Germanicus, et dans lequel il soutint un siége contre Sentius. Les autres restes consistent en petits édifices cintrés d’une grande solidité qui renferment chacun un beau sarcophage, dont deux seulement portent des inscriptions grecques rappelant les noms des personnages qui y furent ensevelis. Au centre de la ville on remarque un petit édifice dans lequel on pénètre par quatre portes qui font face aux quatre points cardinaux. Ce monument affecte la forme d’un cône dont l’extrémité supérieure est ornée d’une belle corniche.

Toute la contrée qu’on traverse depuis les environs d’Anamour jusqu’à Tarsous, et même jusqu’à Adana, est aride et désolée, et la route est souvent coupée par des marécages dangereux où l’on est exposé de s’enfoncer.

Tombeau de Sardanapale, près de Tarsous (voy. p. 334).

À partir de Tarsous, pas un cours d’eau, pas une source n’arrose cette terre brûlée par le soleil et où les Turkomans ont peine à trouver aux bords des marécages, quelques pâturages pour nourrir leurs troupeaux. De grands roseaux, dont les Yoursuks font les cages en osier de leurs demeures, et qu’ils couvrent ensuite de larges pièces de feutres, entretiennent un peu de fraîcheur autour des campements des Turkomans, qui quittent de bonne heure cette plaine malsaine, pour se retirer dans les vallées de la montagne, où l’air est pur et où les malades atteints de la fièvre parviennent à se débarrasser du fléau en buvant les eaux salutaires des sources du Taurus. Les Turkomans croient que ces eaux ont la propriété de guérir toutes les maladies.

Adana est une ville de dix-huit à vingt mille habitants.

Elle est arrosée par les eaux du Sarus (Séhoun-tchai), qui prend sa source dans le Taurus et se jette dans la mer, non loin de l’embouchure du Cydnus. En passant à Adana, le fleuve alimente les fontaines publiques et les bains de la ville au moyen de conduits et de canaux couverts. Un pont magnifique, élevé par les Romains, est jeté sur le Sarus, en face de la ville. Adana renferme un grand nombre de mosquées, des bains, des khans, un bazar et un palais, si toutefois on peut donner ce nom à la grande bâtisse où réside le gouverneur.

Pendant mon séjour dans cette ville, j’assistai à un petit événement politique qui aurait pu avoir des suites fâcheuses pour la tranquillité du pays, si le pacha gouverneur, dont la prudence est la principale vertu, n’eût cédé de bonne grâce aux exigences des beys turkomans du Taurus. Les Turkomans de la Cilicie sont nombreux et reconnaissent pour chefs des agas turbulents, dont la vie se passe à combattre les uns contre les autres et à défendre leur indépendance contre les sourdes menées de la Porte. Le gouvernement turc emploie tous les moyens pour amoindrir l’autorité de ces agas, qui n’ont