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Malgré tout, rien ne peut dessiller des yeux si aveuglément prévenus. Aussi quand, par suite d’une révolution quelconque, les moines sont en masse expulsés d’une ville, la route de l’exil est semée de femmes à genoux qui viennent accompagner de leurs larmes le départ de leurs chers confesseurs. Elles s’empressent à baiser la tunique du martyr et remplissent à l’envi la main du cordelier de pièces de monnaie, ou, à défaut, de bijoux de toute valeur.

Quand ils reviennent, c’est un triomphe.


Les monuments de Mexico et de sa banlieue.

Mais laissons l’étude des hommes et consacrons quelques lignes aux monuments de Mexico et de ses environs.

Le premier, le plus important, sans contredit, est la cathédrale.

La cathédrale forme le côté nord de la place d’Armes, dont le palais forme l’est, la députation le sud, et le portail de las Damas l’ouest. Commencée sous le règne de Philippe II, en 1573, elle ne fut véritablement terminée qu’en 1791, au prix de 2 446 000 piastres, soit 12 330 000 fr.

Vu de la place, l’édifice se présente sous l’aspect majestueux des églises de la seconde moitié du seizième siècle. La façade est remarquable par le contraste frappant de la simplicité qui la distingue des autres édifices religieux de la ville. Elle a trois portes placées entre des colonnes doriques ; ces portes communiquent avec la grande nef et les deux nefs latérales.

Au-dessus de la porte principale, deux étages superposés et ornés de colonnes doriques et corinthiennes supportent un petit clocher de forme élégante, couronné de trois statues, représentant les vertus théologales. De chaque côté s’élèvent les tours, d’un style sévère, terminées en coupole, et dont la hauteur est de 78 mètres.

L’intérieur est tout or. Un chœur immense remplit toute la grande nef et se relie par une galerie de composition précieuse au maître autel, imité, m’a-t-on dit, de celui de Saint-Pierre de Rome.

Les deux nefs latérales sont destinées aux fidèles, et l’on n’y voit ni chaises ni bancs d’aucune sorte. Les Mexicaines qui s’empressent à l’office divin s’agenouillent ou s’asseyent sur les dalles humides, la ferveur leur défendant probablement une position moins humiliée qu’exigerait pourtant leur santé délicate. Les hommes ont le loisir de se tenir debout ; ils sont rares, du reste, à l’intérieur de l’église ; ils s’arrêtent plutôt à la porte où ils attendent en causant l’arrivée des dames et la fin du service, se trouvant récompensés au delà de leur patience par une œillade discrète ou par un gracieux salut.

Parmi les objets d’art que renferme la cathédrale, il faut rappeler une petite toile de Murillo, connue sous le nom de Vierge de Belen, et qui n’est pas une des meilleures du grand peintre. L’église la considère comme son joyau le plus précieux. La toile est en assez mauvais état et le tableau demanderait un rentoilement immédiat.

Il faut citer encore une Assomption de la Vierge en or massif, du poids de 1 116 onces.

La lampe en argent massif suspendue devant le sanctuaire a coûté 350 000 francs.

Le tabernacle également en argent massif est estimé 800 000 francs.

Citons encore des monceaux de diamants, d’émeraudes, de rubis, d’améthystes, de perles et de saphirs, une quantité prodigieuse de vases sacrés en or et en argent, pour une somme inimaginable.

La cathédrale renferme le tombeau d’Iturbide, le plus terrible ennemi de l’indépendance, son soutien plus tard.

Contre le mur de la tour gauche et regardant l’ouest, se trouve le fameux calendrier aztèque, découvert le 17 décembre 1790 tandis qu’on travaillait à la nouvelle esplanade de l’Impedradillo. Il fut enchâssé dans les murs de la cathédrale par ordre du vice-roi, qui en fit prendre soin comme du monument le plus précieux de l’antiquité indienne. Nous pourrions donner ici un résumé de l’œuvre de Gama en ce qui concerne le calendrier ; mais faute de place, nous sommes forcé de nous abstenir, nous réservant de publier plus tard des documents aussi intéressants. En tout cas, voici le titre de l’ouvrage où chacun pourra puiser d’amples renseignements :

Description historique et chronologique de deux pierres indiennes trouvées à Mexico en 1790, par D. Antonio de Léon y Gama. — Mexico, 1832.

Le Sagrario est une immense chapelle formant dépendance de la cathédrale. Là se font les mariages, les enterrements et les baptêmes, et le saint sacrement y reste sans cesse exposé à la vénération des fidèles.

Il est impossible de ne point s’arrêter devant la porte du Sagrario, et quoique l’ensemble soit d’assez mauvais goût, on ne saurait s’empêcher d’admirer le luxe inouï de ses sculptures et de son ornementation.

Nous avons parlé de la coutume religieuse qui impose encore aujourd’hui à chaque piéton de s’agenouiller dans la rue, ou tout au moins de s’arrêter et de se découvrir au passage du saint sacrement ; nous trouvons dans certaines chroniques de l’époque qu’il fallait jadis se joindre à la procession et accompagner le saint viatique jusqu’à la demeure du malade, si bien que la foule grossissant à chaque pas, finissait par constituer une masse énorme. Le vice-roi lui-même n’en était pas exempt, et plusieurs fois il se vit obligé de prendre la tête de la colonne[1].

En sortant de Mexico par la porte de Belen, et suivant l’aqueduc qui se dirige du côté de Tacubaya, on arrive au château de Chapultepec (voy. page 364). Véritable oasis dans la vallée, Chapultepec s’élève sur un monticule volcanique d’environ deux cents pieds ; il est entouré d’eau vive et couvert d’une végétation splendide, d’où le voyageur peut admirer à son gré une vue panoramique des plus délicieuses. On y remarque de magnifiques sabinos, espèces de cyprès, dont quelques-uns

  1. Ces renseignements nous sont fournis par un savant travail de M. Jules Laverrière.