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ce qui touche l’armée : le shako allemand inspire une grande terreur aux Turcs, et plusieurs fois, pendant la guerre de l’indépendance, les Grecs ont mis leurs ennemis en déroute, rien qu’en s’affublant de coiffures européennes que leur avait envoyées le comité anglais. « Votre musique est arrivée, écrit de Missolonghi lord Byron au comité ; mais des trompettes pour les Grecs, ce sont des perles devant des pourceaux : les Grecs n’ont point d’oreille. » Cela est vrai ; mais cet envoi fut plus utile que ne le supposait Byron, et résista aussi bien que les shakos déjà expédiés au terrible Yourousk Allah de la cavalerie turque.

Les meilleurs soldats de l’armée grecque sont ceux du Parnasse ; ils sont sobres et infatigables. J’ai entendu quelques officiers se plaindre de l’insuffisance des rations, de l’incommodité de l’équipement et des exactions des fournisseurs ; l’administration militaire a été, je crois, modifiée récemment et calquée sur le modèle français.

Le ministre de la marine dispose d’une petite flotte bien organisée, mais dont l’entretien coûte chaque année une somme qui serait mieux employée à draguer le port du Pirée pour les navires du commerce, ou a approprier la rade de Poros au même usage.

Les rochers de l’Aréopage. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Le ministre de l’intérieur est le moins occupé, le ministre des finances le plus embarrassé, le ministre des relations extérieures le plus décoré, et le ministre de l’instruction publique celui qui rend les plus éminents services. L’université qu’il dirige est divisée en quatre facultés : celle de philosophie et de sciences physico-mathématiques, de théologie, de médecine et de droit. Sur une population d’un million deux cent mille âmes, il y a soixante mille élèves des deux sexes, c’est-à-dire un vingtième de la population.

« Quelle amélioration vous semble la plus urgente ? demandait un jour M. Rangavi à M. Senior.

— Celle de nommer premier ministre quelqu’un de la famille de M. Mac-Adam, » répondit le spirituel Anglais.

Cette réponse résume la situation des travaux publics dans le royaume hellénique. La Grèce n’a pas de routes, et par suite pas d’industrie, pas d’agriculture, pas de commerce intérieur. Le gouvernement a fait venir, au commencement de l’année 1858, un ingénieur français qui reçoit vingt-mille drachmes (un ministre en a dix milles), accompagné d’un conducteur des ponts et chaussées et d’un certain nombre de cantonniers. Cet ingénieur est employé à aligner les rues d’Athènes et à réparer les routes dans un étroit rayon autour de la ville.

« Tout cela n’est que bagatelle et chemin de croix, me disait l’avocat X…, la route de Marathon ferait bien mieux notre affaire. »