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Départ pour la chasse (plaine de Rheï). — Dessin de M. le commandant Duhousset.


LES CHASSES EN PERSE,

PAR M. LE COMMANDANT ÉMILE DUHOUSSET[1]
1860


Un poëte arabe a dit : « La chasse dégage l’esprit des soucis dont il est embarrassé ; elle ajoute à la vigueur de l’intelligence ; elle amène la joie, dissipe les chagrins, et frappe d’inutilité l’art des médecins en entretenant une perpétuelle santé dans le corps.

« Elle forme les bons cavaliers ; car elle enseigne à monter vite en selle, à mettre promptement pied à terre, à lancer un cheval à travers précipices et rochers, à franchir pierres et buissons au galop, à courir sans s’arrêter, quand même une partie du harnachement viendrait à se perdre ou à se briser.

« L’homme qui s’adonne à la chasse fait chaque jour des progrès dans le courage ; il apprend le mépris des accidents… »


I

CHASSE DE GRAND SEIGNEUR.

Le départ. — Les serviteurs.

Le Vali (sous-gouverneur) du Kurdistan nous a invités à une grande chasse dans la plaine de Véramine : un docteur russe, un docteur anglais et moi.

Nous sommes sortis de Téhéran en grands seigneurs, avec la pompe et selon toutes les règles du cérémonial consacrées par les traditions.

Voici dans quel ordre défilait notre cortége : Devant nous, deux hommes à cheval, dont l’un portait à l’arçon de sa selle un petit tambour destiné à rassembler hommes et bêtes ; comme le veut l’ancien usage kurde.

Ensuite venait le Vali et ses trois hôtes.

Derrière nous, cinq fauconniers, l’oiseau sur le poing, — cinq cavaliers, tenant chacun deux lévriers au bout d’une longue laisse, — les porteurs de fusils, — l’inséparable kaléandar, avec tout son attirail d’eau et de feu, et ses grands cylindres en carton, à la place des fontes, contenant la pipe à eau (kaléan) et ses accessoires ; enfin, le second éclaireur, l’abdar, juché sur le tapis devant servir de siége, de table et de nappe, et flanqué de deux grandes sacoches en tapisserie, renfermant tout ce qu’il faut pour la préparation du déjeuner ainsi que les broches à rôtir le mouton. Ce dernier serviteur porte, en carquois, un grand parasol se croisant avec la chaîne de la carapace de coco destinée et puiser de l’eau en chemin ; à sa ceinture, sont suspendus une dizaine de petits sacs en cuir, pleins d’épices pour la cuisine. Le plateau à café dans un étui couvre son dos comme une moitié de cuirasse.

À l’arrière-garde, cheminaient lentement plusieurs mulets, chargés des objets nécessaires et nos campements pendant plusieurs jours, et qui devaient se séparer bientôt de nous pour se rendre directement à l’endroit désigné pour notre première étape de nuit.

J’avais emmené, pour mon service personnel, un domestique tenant un cheval en main et un palefrenier suivi de trois lévriers.

  1. Nous avons extrait le récit suivant des notes de M. le commandant Duhousset, qui a fait partie de la mission militaire en Perse, d’où il a rapporté de nombreux dessins aussi utiles à l’ethnographie qu’à la science hippique.