Page:Le Tour du monde - 06.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

face de l’eau ; un homme armé d’une massue s’introduit dans la cage et tue à tour de bras les pauvres saumons ; nous en vîmes massacrer ainsi plus de trente, dont le poids variait de quinze à quarante livres. Le saumon est immédiatement préparé pour la salaison ou la fumigation, et vendu aux marchands de Luleå.

Il était nuit lorsque nous revînmes à nos bateaux ; deux heures après nous descendions à terre. Il nous fallut encore une heure de marche pour trouver un gîte à Wuollrim, chez un colon. Ce brave homme, nommé Sandgoist, donna à chacun de nous de la paille fraîche et un drap de lit. Établi en cet endroit depuis quinze ans il y a déjà défriché assez de terrain pour nourrir dix vaches et douze chevaux. Quoi que réduit à vivre seul, comme un Robinson Crusoé, il nous parut satisfait de son sort. Le lendemain, il nous mena sur son lac à la chasse des canards noirs ; la matinée était splendide et la nature charmante ; des montagnes escarpées, boisées de pins, de bouleaux et de sapins, se reflétaient dans l’eau limpide ; le bruit de nos armes interrompait seul le silence solennel de ce beau paysage dont notre colon était le roi.

Wuollrim.

Après avoir empli nos carniers de canards, nous fîmes d’abord trois lieues à cheval jusqu’à Payerum, en traversant quelquefois des terrains marécageux sur des trottoirs faits de troncs d’arbres joints deux à deux ; puis il nous fallut remonter en bateau les lacs, les rivières et leurs chutes retentissantes. Ce n’est pas toujours sans un certain saisissement que l’on s’engage dans une frêle embarcation sur ces flots d’écume blanche qui menacent à chaque instant de la faire chavirer et de l’engloutir. Nos quatre rameurs luttaient de toute leur force contre le courant, s’accrochant à toute pierre ou à tout quartier de roc qui, sortant la tête de l’eau, pouvait présenter un appui à la rame ; souvent une vague furieuse venait subitement nous inonder. La prudence veut que, pendant l’ascension d’une chute, on se tienne immobile au fond du bateau ; le moindre mouvement