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était accablé par le chagrin, qu’il détestait le pouvoir du Conseil et qu’on devait le plus tôt possible placer sur une tête plus saine la couronne ducale.

Il réussit, non pas à le dépouiller du titre de doge, qui était un titre à vie, et qu’un jugement infamant pouvait seul ôter, mais à ce que le Conseil l’engageât à donner sa démission.

Le vieux doge, qui vit d’où venait le coup, refusa ; mais Lorédan ne se découragea pas et s’unit à ceux de ses collègues qui étaient ennemis des Foscari : de nouvelles sommations ayant été faites vainement comme la première, le Conseil en séance déclara que le chef de l’État était relevé de son serment, déposé de sa dignité et dans l’obligation de quitter le palais sous huit jours.

Par excès de cruauté, Jacques Lorédan fut chargé immédiatement de déclarer au doge l’arrêt du Conseil ; il brisa sous son pied l’anneau ducal que lui remit le vieillard, qui dépouilla, les uns après les autres, les insignes de sa dignité. Le lendemain, accompagné de sa famille, il quitta ce palais, où il avait régné trente-cinq ans.

Cour du palais de Mula (voy. p. 22). — Dessin de Karl Girardet d’après M. A. de Beaumont.

Le peuple avait appris sa chute et, par un instinct généreux, sentant qu’il y avait une injustice à réparer, il s’assembla en foule sur la Piazetta pour l’escorter et le porter en triomphe jusqu’à sa gondole. Mais du haut de la galerie du palais, entre ces deux colonnes rouges d’où se proclament encore aujourd’hui les arrêts, un ordre des Dix prescrivit à la foule de se disperser en silence… sous peine de mort !

Huit jours après, Pascal Malpieri fut élu doge ; c’était le 31 octobre 1457. La grosse cloche du campanile de Saint-Marc se mit en branle pour signaler la nomina-