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comme moi, s’était aventurée trop avant dans la forêt, avait disparu à tout jamais.

Le temps est sombre, pluvieux et les jours diminuent ; je suis forcée d’allumer ma lampe au milieu de la journée. Je fais de la tapisserie, cela n’empêche pas de penser et cela occupe, puis j’ai la ressource d’une bibliothèque assez considérable et composée de livres russes, polonais, français et allemands. Un Polonais exilé, comme nous, le comte Pierre Moszynski, a laissé cette bibliothèque en quittant Bérézov ; aujourd’hui elle appartient à la ville et se trouve à la disposition des habitants du lieu et des exilés.

Nous venons d’apercevoir des Samoyèdes qui viennent des bords de la mer Glaciale pour acheter de l’eau-de-vie, qu’ils aiment au-dessus de tout. Les Samoyèdes sont plus grands de taille que les Ostiaks ; ils ont les cheveux et les yeux noirs ; leur tête est rasée, sauf le sommet qui est orné d’une touffe de cheveux ; dès que leur barbe commence à pousser, ils l’arrachent jusqu’au jour où leur menton devient parfaitement lisse. L’idiome des Samoyèdes n’a aucun rapport avec celui des Ostiaks, mais comme ceux-ci ils sont vêtus de peaux de renne. Les femmes portent des ceintures de cuivre doré et des perles de couleur ; elles ont à la hauteur du coude des espèces de bracelets auxquels pendent des grelots. Les Samoyèdes sont païens, ils adorent le soleil, la lune, l’eau et les arbres ; en un mot, ils font une divinité de tout ce qui frappe leurs yeux ; ces croyances grossières ne les défendent pas d’une extrême superstition.

Un mariage à Bérézov (voy. p. 231).

La gelée d’aujourd’hui ressemble à celle que nous avons en Pologne au mois de décembre. Les bateaux pêcheurs rentrent chargés de poisson, qu’on vend ensuite aux négociants de Tobolsk.

J’ai assisté aujourd’hui à la fête du chou : c’est une solennité qu’on célèbre ici tous les ans à la même époque. Chaque famille, aidée de ses voisins, se met en devoir de hacher des choux ; quand cette première préparation ne laisse plus rien à désirer, on la couvre de gros sel, ensuite on la met dans des pots qu’on descend à la cave. Les vivres sont assurés pour l’hiver. Le soir de ce grand jour on prend le thé et on soupe en compagnie, puis on danse ; mais quelle danse ! Il faut l’avoir vue pour y croire ; on danse sans musique, c’est-à-dire pour le seul plaisir de se fatiguer.

La terreur s’est emparée des habitants de Bérézov. Le frère de Mme X…, qui était allé à la chasse, en est vite revenu au comble de l’effarement et disant qu’il avait vu un ours noir dévorant une vache noire ; aussitôt on a mis toutes les vaches noires en lieu sûr.

Les Bérézoviens, ceux qui sont doués de quelque courage, luttent avec les ours à coups de fusil ou de hache ; cependant on emploie plus généralement un grand cou-