Page:Le Tour du monde - 06.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nom charmant de Rhodos donné à cette île. Depuis l’antiquité à qui elle le doit, jusqu’à nos jours, elle n’a point dégénéré sous le rapport de la végétation florissante qui couvre son sol. Ce n’était autour de nous que bosquets profonds et touffus de lauriers et de myrtes auxquels des rhododendrons et des rosiers mariaient leurs fleurs embaumant l’atmosphère. Après avoir descendu les flancs boisés de la montagne, nous passâmes une petite rivière dont l’eau claire et caressante fit un sensible plaisir à nos montures qui purent s’y abreuver et rafraîchir leurs pieds qu’échauffait le sol déjà brûlant. Au delà nous atteignîmes le village de Malona, dont les jolies maisons, blanches et carrées comme des cubes de marbre, s’apercevaient au travers d’une forêt d’orangers et de citronniers. Leurs fruits d’or remplaçaient alors ceux des figuiers et des mûriers, dont les branches soutenaient avec peine les longs festons des pampres dont les feuilles rougies par l’automne précédent laissaient pointer déjà des bourgeons verts. — Heureuse île ! charmant pays ! où les arbres ne sont jamais sans feuilles, ni les jours sans soleil.

À une demi-heure de Malona, nous passâmes devant Masari, et à notre gauche, sur le bord de la mer, dont l’azur foncé se montrait de temps à autre au-dessus de la côte, je reconnus un petit château perché sur la crête d’un rocher. — Ainsi ces gardiens vigilants de la chrétienté, au milieu du cercle d’ennemis qui les enserraient j de plus en plus, avaient, de distance en distance, placé des postes garantis contre un coup de main, pour protéger la côte et donner l’éveil à Rhodes dès qu’apparaissaient des voiles mahométanes.

Restes d’une caserne de chevaliers, à Rhodes.

Nous marchâmes encore quelques heures, ayant les cimes du mont Artamiti au sud-ouest, laissant le village de Kalathos sur le flanc de la montagne, et nous arrivâmes sur un territoire couvert de ruines, de fûts de colonnes, de pierres de toute espèce : c’était le site de l’antique Lindos. Dans le roc on voyait les traces d’un monument, d’un temple sans doute, qui y avait été élevé, et dont les colonnes cannelées, ainsi que les chapiteaux, étaient d’ordre dorique. De petits autels votifs se mêlaient à ces ruines qui s’étendaient jusqu’au pied d’un hypogée dont les triglyphes et les traces de pilastres cannelés signalaient une façade jadis fort belle. Il me fut dit par les gens du pays que, trois ans auparavant, ce monument était encore bien conservé. Mais des pluies abondantes étant survenues, elles ont creusé le roc en s’infiltrant par toutes les fissures, et l’entablement est tombé en entraînant avec lui une grande partie de la façade. À l’est sont les traces d’un théâtre dont les gradins avaient été creusés dans le roc, en avant d’un temple en marbre noir dont le soubassement existe encore.

Si l’en en juge par l’étendue du terrain qui est jon-