Page:Le Tour du monde - 06.djvu/8

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terre et de mer. Là les plus gros vaisseaux se dressaient sur leur quille, se gréaient de leur mâture, s’armaient de leurs canons, fondus et montés sur place, et au premier signal du doge, des flottes entières sélançaient tout armées, hérissées de fer et d’enthousiasme, pour aller au cri de : Vive San-Marco ! jusqu’aux extrémités du monde. La marine était pour Venise, comme pour l’Angleterre, le principal levier de la puissance. Dès 558, les Vénitiens avaient la seigneurie des mers : et 70 ans avant Charlemagne ils possédaient déjà des arsenaux, d’habiles ingénieurs et de grands navires, avec lesquels ils s’étaient rendus maîtres de la ville de Ravenne, malgré ses remparts. Au neuvième siècle, ils construisaient des navires à trois mâts et menaçaient la Dalmatie, la Grèce et le pays des Sarrasins. Mais à la fin du quinzième siècle, le commerce italien, et celui de Venise en particulier, fuient bouleversés par la découverte du cap de Bonne-Espérance, et les trente-six mille marins, les trois cents navires de guerre, sans parler des galères et des vaisseaux marchands, devinrent bientôt inoccupés, inutiles même ! La découverte de l’Amérique fut une blessure nouvelle et la décadence se précipita dès lors de plus en plus.

L’escalier d’or du palais ducal. — Dessin de Thérond d’après M. A. de Beaumont.

Lorsqu’on voit ces places de Venise, ces monuments aux proportions colossales, ces palais, ces édifices, cette richesse, cette gloire, tout cela reposant sur un sol factice, sur des vagues durcies, pour ainsi dire, par la main de l’homme à force d’art, de patience et de génie, on est stupéfié de la puissance d’expansion que peut trouver une population contenue dans de si étroites limites. Venise, après avoir inventé ou du moins importé en Europe, les glaces, les moulins à eau, les cheminées des