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concentrèrent. Les deux margraviats, comme deux forteresses bien approvisionnées de courage, furent plus riches en hommes que les duchés vivant derrière eux et sous leur abri. Ceux-ci s’affaiblirent et se divisèrent ; les autres, au contraire, se fortifièrent et grandirent jusqu’au jour où sortirent tout armés et prêts pour une grande fortune, de l’un, la Prusse, de l’autre, l’Autriche, qui ne sont restés que trop fidèles à ce rôle d’ennemies des races slave et magyare pour lequel elles furent fondées.

Les premiers margraves d’Autriche s’établirent en arrière du Wienerwald, à Moelk, qui dans le poëme des Niebelungen apparaît comme une forteresse des Huns, et en firent le centre de leurs opérations contre les Hongrois. Onze de ces anciens margraves, de la maison de Bamberg, reposent encore dans la chapelle souterraine du chapitre. Ce ne fut qu’au commencement du douzième siècle, après qu’Albert le Victorieux eut enmevé aux Magyares le pays compris entre le Wienerwald et la Leytha, que Léoplod le Saint, pour suivre le progrès de la conquête, transféra sa résidence de Moelk sur le Kahlenberg. Il y construisit un château qui fut bien des fois pris et détruit truit dans les invasions des Hongrois, des Bohêmes et des Turcs. Un peu plus bas, au pied du Léopoldsberg, à l’endroit, dit la légende, où sa jeune femme retrouva un voile qu’elle avait perdu à la chasse huit ans auparavant, il fonda un couvent qui donna naissance à la petite ville de Klosterneubourg[1] et où l’on montre ses reliques, une tête enchâssée dans l’or, l’argent et les perles.

Couvent de Klosterneubourg.

Le château du Kahlenberg commandait le passage du Danube et les défilés du Wienerwald ; c’était bon pour la guerre. Mais au pied du Wienerwald s’étend une plaine fertile où Vindobona s’était formée, dans un intérêt agricole. Quand les margraves, qui du haut du Kahlenberg pouvaient presque toucher Vienne et la couvrir de leur épée, eurent donné la paix au pays jusqu’à la Leyta ; que les Hongrois conquis au christianisme par leur reine Gisèle cessèrent de considérer la Marche Orientale comme leur terrain de chasse et de pillage ; lorsque enfin les croisades firent pencher l’Europe à l’orient, les margraves, eux aussi, avancèrent encore d’un pas et descendirent de leur montagne dans la ville si bien placée au pied de leur château fort.

Ils n’y eurent d’abord qu’un repos de chasse, à l’endroit où s’élève aujourd’hui le palais des princes Esterhazy dans Wallerstrasse. La population s’accroissant en proportion de la richesse du sol et de la sécurité dont on jouissait, Vienne devint une cité prospère, où il faisait meilleur à vivre que sur les âpres sommets du Kahlenberg qui sont sans cesse balayés par des vents d’une extrême violence. Le margrave Henri y fixa sa résidence et y posa en 1144 la première pierre de l’église de Saint-Étienne.

Cinquante ans plus tard Frédéric Ier entourait sa ville d’un rempart et d’un fossé ; Léopold VII, son successeur, donnait à la bourgeoisie d’utiles priviléges et construisait le Burg ou château qui, bien des fois transformé, sert encore de résidence aux empereurs. Vienne suivit dès

  1. Ce couvent a été bien des fois remanié dans sa construction. Les plus importants travaux datent de 1730 et les derniers de 1834. C’est un des plus riches du monde. Une partie considérable des environs de Vienne lui appartient.