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Page:Le Tour du monde - 07.djvu/229

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Cacha du village de Combapata. Pour atteindre ce dernier point, on descend sans cesse, et à mesure qu’on descend la température s’adoucit et quelques bandes de verdure s’étendent au pied des montagnes. Combapata, dont il n’est fait mention dans aucun traité de géographie et qui ne figure encore sur aucune carte connue, est un village d’une soixantaine de feux, situé près d’une rivière assez tapageuse. Sa petite église est des plus proprettes, et le badigeon blanc qui la recouvre, tranche agréablement sur le fond terreux des chaumières de la localité. Un christ de grandeur naturelle, dû au ciseau d’un sculpteur de Huamanga et vénéré des fidèles sous le nom du Seigneur de Combapata, décore le maître-autel de cette église. Ce christ a le don des miracles ; il a rendu la vue à des aveugles, l’ouïe à des sourds et la parole à des muets. Au dix-huitième siècle, quand les jésuites furent exilés du Pérou, des larmes de sang coulèrent, dit-on, de ses yeux d’émail. Le même prodige se renouvela en 1821, quand le vice-roi la Serna, banni de Lima par les indépendants, se vit contraint de partir pour l’Espagne. Malheureusement pour le Seigneur de Combapata, le christ de Tungasuca, un village voisin, a aussi le don des miracles. Ce dernier, connu sous le nom du Seigneur d’Añaipampa, rend fécondes les femmes stériles, guérit les maladies réputées incurables et préserve les moutons du claveau. Comme son émule, le Seigneur de Combapata, il pleure, à l’occasion, des larmes de sang sur les misères de ce monde. De cette conformité de pouvoirs entre les deux Seigneurs, il est résulté une rivalité haineuse entre les fidèles des deux paroisses. C’est à qui vantera plus haut le christ de son village, en affectant de déprécier celui du village voisin. Maintes fois, dans les solennités bachiques par lesquelles chaque village célèbre la fête de l’Homme-Dieu, on a vu des Indiennes, ivres de fanatisme et d’eau-de-vie, se battre à coups de tête comme des béliers, pour la plus grande gloire de leur Seigneur.

Ruines du temple de Huira-Ccocha.

La rivière qui côtoie le village et, sous le nom de rio de Combapata, vient se jeter dans le Huilcamayo, prend sa source sur le versant occidental des Andes du Crucero, entre les provinces de Lampa et de Carabaya. Elle est aurifère, et, quand la fonte des neiges a grossi son cours, elle charrie sous ses flots bourbeux des parcelles d’or détachées des montagnes. Les habitants du pays avaient établi autrefois un lavadero sur ses bords. La pente rapide des terrains qu’elle arrose, donne à ses crues un caractère formidable ; c’est moins un torrent qui se précipite, qu’une avalanche qui s’abat brusquement sur la contrée environnante, qu’elle submerge en un instant. Deux ponts de pierre de deux arches, d’une solidité de construction à défier les siècles, ont été emportés successivement par cette rivière. Chacun de ces ponts avait coûté deux mille piastres (10 000 fr.) à la province,