Page:Le Tour du monde - 07.djvu/279

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lois à cet égard se sont fort adoucies. Aujourd’hui la nonne parjure à ses vœux, — on en cite quelques exemples, — est fouettée simplement, mais vigoureusement par deux de ses compagnes, et privée de chocolat à son déjeuner pendant une année. Quant à son complice, le blâme public peut l’atteindre, mais la loi ne le frappe pas.

Le tremblement de terre de 1650, un des plus violents, avec celui de 1590, qu’on ait ressentis à Cuzco et qui jeta bas une centaine de maisons, détruisit en partie le couvent de Sainte-Catherine dont l’édification remontait à 1599. Dépossédées de leur demeure, les religieuses trouvèrent un asile dans la maison d’un commandeur, sise rue de Cuichipuncu. Le 17 décembre 1651, à l’issue des vêpres, on posa solennellement la première pierre du monastère actuel. L’évêque de Cuzco, escorté du clergé, des communautés religieuses et d’une grande affluence de populaire, déposa sous cette pierre, après l’avoir bénie, quelques pièces d’or monnayé à l’effigie de Philippe IV, une bague et un cure-dent. L’or monnayé, dit naïvement à ce sujet une longue inscription en latin quelconque, gravée sur une plaque de plomb qu’on plaça sous la pierre en même temps que ces objets, cet or monnayé faisait allusion aux richesses spirituelles que l’âme acquiert par la prière et le renoncement aux plaisirs du monde ; la bague était l’anneau mystique qui fiançait les vierges à leur céleste époux ; seul, le cure-dent était sans destination apparente.

Petite bourgeoise, à Cuzco.

Nous avouons ingénument avoir cherché longtemps à quoi rimait ce cure-dent épiscopal. Était-ce un avertissement ? était-ce un symbole ? et ce symbole avait-il trait à l’âme ou au corps ? quelle était sa signification ? voulait-il dire curez et recurez, Vigilate et orate ? Désespérant de trouver jamais le mot de ce cure-dent-énigme, nous laissons aux amateurs de rébus, de charades et de logogriphes, le soin d’en rechercher l’application.

L’architecture des couvents de femmes, à Cuzco, n’a rien à démêler avec les questions d’art. Ceux de Sainte-Catherine et de Sainte-Claire sont des bâtiments très-carrés et très-lisses, dont l’édification remonte à 1651 et à 1558. Quant aux béguinages d’une construction encore plus bourgeoise, tous datent du milieu du dix-huitième siècle. Les béguines de divers ordres qui y ont élu domicile forment un type à part dans la population de la cité. Vêtues de noir, de blanc, de bleu, de gris, selon la règle à laquelle elles appartiennent, la taille ceinte d’une bande de cuir d’où pend un trousseau de chapelets, de médailles, de crucifix et de têtes de mort, qui s’entre-choquent et cliquettent avec un bruit lugubre, ces béguines, femmes âgées, brunes, osseuses, acariâtres pour la plupart, sont des intermédiaires entre le monde et le cloître. Comme elles ont la faculté de sortir à toute heure et sont reçues partout, elles en profitent pour colporter, dans les maisons et dans les monastères, les petits scandales qu’elles ont pu recueillir en chemin ; quelques-unes, à l’instar des duègnes d’Espagne du bon vieux temps, servent de boîte aux lettres et de facteurs aux amants malheureux et persécutés ; d’autres font en cachette le commerce des cœurs, et jouent dans le monde le rôle des soubrettes dans la comédie.

Lionne de Cuzco.

Si, de l’architecture des églises et des couvents de Cuzco, nous passons à celle de ses maisons, nous remarquerons que la plupart d’entre elles ont pour assises d’anciens murs du temps des Incas, d’autant plus faciles à reconnaître qu’ils ne sont jamais peints ou blanchis, tandis que le reste de la maison est toujours enduit d’un badigeon de chaux ou d’une teinte gaie. Cette originalité remonte à