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et de la Perse ont donné à l’histoire, sans jeter un regard sur le côté géographique de ces découvertes. Ce côté est important déjà ; il doit le devenir bien plus encore. Si tous les noms géographiques que les inscriptions renferment pouvaient être identifiés et fixés à leur vraie place, nous aurions dès à présent la carte restituée de l’Asie occidentale pour les temps compris entre le dixième siècle et l’époque d’Hérodote, avec ses villes, ses rivières, ses nombreuses tribus, ses nations et ses États. Bien des noms restent maintenant inexpliqués ; beaucoup cependant se reconnaissent déjà d’une manière probable, quelques-uns d’une manière tout à fait certaine. Aucune étude sérieuse, sur cette branche difficile de la géographie comparée, n’a été tentée jusqu’à présent ; le moment n’en est pas tout à fait venu. Mais à mesure que l’hésitation et le doute qui embarrassent encore la lecture d’un grand nombre de noms propres se dissiperont devant le progrès croissant de l’étude des textes, et que la critique pourra ainsi marcher d’un pas plus ferme sur un terrain mieux assis, cette face importante de la science historique s’enrichira de plus en plus, et, du même coup, les inscriptions elles-mêmes prendront un sens plus clair et une plus grande signification.

Pavage d’une porte assyrienne (musée du Louvre). — Dessin de Catenacci.

La géographie cunéiforme aura d’ailleurs, sans aucun doute, de nombreux points de contact avec une autre étude également en voie de progrès, mais qui est bien loin d’être fixée encore, la géographie asiatique des inscriptions égyptiennes. Avant que les monarques assyriens portassent leurs armes victorieuses dans les provinces mésopotamiennes, en Syrie et jusqu’aux rives du Nil, les pharaons guerriers de la dix-huitième et de la dix-neuvième dynastie (du seizième au quatorzième siècle avant l’ère chrétienne), au nombre desquels est le grand Sésostris des historiens grecs, dont le véritable nom est Ramsès-Meïamoun (vers 1350 à 1400), avaient poussé leurs conquêtes au delà de l’Euphrate dans la direction du Tigre et de l’Arménie. Ces événements, qui remuèrent profondément l’ouest de l’Asie longtemps avant que les Grecs existassent en corps de nation, sont restés inconnus à nos écrivains classiques ; ce sont les inscriptions de l’Assyrie et de l’Égypte qui nous les ont révélés. Il est impossible que sur les monuments élevés tour à tour par les princes conquérants des deux monarchies en commémoration de leurs lointaines expéditions, les mêmes noms de villes, de fleuves, de peuples et de pays ne se retrouvent pas fréquemment, et ces mentions parallèles, lorsque de part et d’autre la lecture en sera devenue tout à fait certaine, seront d’un grand secours pour l’éclaircissement de cette antique géographie.

Vivien de Saint-Martin.