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aperçu au bord du golfe, sur une plage sablonneuse parsemée de quelques maigres sapins, certaines constructions d’une forme bizarre, j’y courus pour me rendre compte de ce que c’était.

C’étaient quatre ou cinq huttes de sauvages, des wigwams comme ceux d’Uncas et de Chingachgoot. Libre à moi cette fois de me croire transporté en corps et en âme au centre d’un récit de pionniers. Les wigwams étaient religieusement construits d’après les vrais principes de l’architecture indienne : une douzaine de perches, formées de jeunes arbres et placées en rond, soutenaient une sorte de carapace en écorce de bouleau ; une ouverture suffisante pour laisser entrer les habitants servait à la fois de porte et de fenêtre, et un trou circulaire placé au sommet permettait à la fumée du foyer de sortir ; mais je me doute que cette fumée ne consent d’ordinaire à s’en aller qu’après un séjour assez obstiné pour déplaire gravement aux gens délicats.

Sur le rivage, deux bateaux également en écorce et d’une légèreté surprenante ne rappelaient pas moins les descriptions si connues de la vie des naturels ; mais ce qui faisait contraste et dissipait toute illusion, c’étaient les haillons européens, et surtout les occupations paisibles de ces fils de la forêt. Des hommes travaillaient à polir des planches ; quelques femmes vidaient des poissons et se préparaient à les faire rôtir au feu ; deux jeunes filles tressaient des paniers, et quelques enfants demandaient l’aumône. C’était de plus en plus le spectacle de la décadence : la misère avant-courtière de la mort.

Mais le Gassendi lève l’ancre et nous porte plus loin.

La rue de Paris, à Saint-Pierre. — Dessin de Le Breton d’après une photographie.


V

Les côtes de la Nouvelle-Écosse. — Louisbourg. — Halifax. — Truro.

À mesure que nous passions le long des côtes du Cap-Breton, nous admirions sans nous lasser ces puissantes dentelures qui, à chaque instant, hérissent l’aspect des terres de caps et de promontoires. La mer brisait tantôt sur des grèves, tantôt sur des roches dépouillées. Très peu d’habitations se montrent dans les campagnes, et cependant, sur cette terre si jeune, et qui aurait tant besoin d’habitants, il existe déjà des ruines, des villes dévastées, tout l’appareil des fureurs militaires. C’est ce que nous dit la vue de la place vide ou exista jadis Louisbourg. Là on ne voit plus que quelques amas de terre et de ronces, mais pas une habitation de quelque importance n’est restée debout.

Louisbourg a été la dernière possession française territorialement importante dans les parages du Nord-Amérique. Lorsque les Anglais devinrent les maîtres de ces régions, voulant porter leur capitale ailleurs, ils firent sauter les fortifications de cette ville, détruisirent