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notre marche, nous n’étions pas à moitié de notre étape quand l’orage éclata. Nous traversions en ce moment une partie très-accidentée de la forêt, la nuit était venue ; la violence de la pluie, qui changeait nos hamacs en baignoires, ne permettait pas de tenir les torches allumées. Vivement impressionnée par les roulements continuels et les bruyants éclats de la foudre qui inspire aux nègres une grande terreur, notre escorte cheminait en silence, venant souvent en aide à nos porteurs qui glissaient sur la terre argileuse du sentier. J’eus l’occasion, dans cette circonstance, d’admirer la vigueur et l’adresse de ces hommes qui devaient bientôt nous en donner encore de meilleures preuves. Parfois plongés dans l’eau jusqu’aux aisselles, car la pluie avait transformé chaque ravin en torrent, ils soulevaient nos hamacs au-dessus de leurs têtes, et, gravissant à grand-peine les berges glissantes, nous hissaient à bout de bras, sans vouloir nous permettre de les soulager en mettant pied à terre dans les endroits les plus difficiles. Nous atteignîmes enfin, vers dix heures, trempés jusqu’aux os et mourants de froid, le village de Toffoa, où nous devions coucher.

Toffoa était autrefois la capitale d’un pays indépendant, qui fut réuni comme Wydah au royaume de Dahomey pendant le siècle dernier. Il est situé à vingt-cinq milles environ au nord-est d’Allada, sur une colline d’où l’on domine une vaste plaine marécageuse qui s’étend jusqu’au pied des fertiles plateaux de Cana et d’Abomey. Les naturels désignent cette plaine sous le nom de Lama, d’un vieux mot portugais qui signifie, je crois, marais. Pendant l’hivernage et même une partie de la belle saison, le marais est couvert d’eau et impraticable. On est alors obligé, pour aller à Abomey, de modifier son itinéraire, et, au lieu de passer par Toffoa, on va gagner vers l’extrémité droite de la Lama la ville d’Agrimey, d’où l’on revient ensuite à Cana. Pour le moment, on y pouvait passer, et nous devions le traverser dans la journée du lendemain.

Nous fûmes logés, à Toffoa, dans une grande case isolée du reste des habitations : c’était probablement quelque temple ou case de féticheur, car elle était encombrée d’idoles. Il y en avait de toutes sortes, en bois, en terre, en ivoire ; de grandes et de petites, à formes humaines ou animales et même fantastiques ; des serpents, des singes, des tigres, des chiens à tête de crocodile et des hommes à tête de chien. L’une d’entre elles attira particulièrement notre attention ; elle était double, mâle et femelle, de grandeur naturelle et assise, les jambes croisées comme certaines divinités chinoises ou indiennes. Les deux bustes, taillés dans le même bloc de bois, étaient unis, comme jadis les frères Siamois, par le côté, chacun d’eux ayant sa tête et ses membres distincts. L’idole femelle, emblème sans doute de la fécondité, portait le triple rang de mamelles de la Cybèle antique. Ces deux divinités étaient ornées de bracelets et de colliers de verroteries et de corail, offrandes de leurs adorateurs, et entourées de petits vases en terre rouge, encore à demi pleins d’huile de palme avec des mèches charbonnées, attestant qu’on avait brûlé devant elles cet encens un peu grossier. J’aurais désiré emporter quelques-unes des plus petites statuettes, remarquables sous le point de vue de l’exécution ; mais cette soustraction pouvant, me dit-on, si elle était découverte, nous exposer à de graves inconvénients, je dus m’en abstenir.

Le nombre des habitants de Toffoa est d’environ quatre à cinq mille ; ils sont doux, affables et très-hospitaliers Accompagné de notre interprète, j’entrai en flânant par le village dans une case pleine de noirs des deux sexes. Quelques petits cadeaux de tabac et d’épingles me firent bien venir de la société. Un mouchoir de cotonnade que je donnai à un petit enfant exalta surtout au plus haut point la reconnaissance de son père…

Le lendemain, un soleil radieux dissipant les brouillards du matin nous permit de contempler le vaste panorama qui s’étendait à nos pieds. Devant nous, à vingt on vingt-cinq milles au nord, s’élèvent les premières assises du plateau d’Abomey ; à droite et à gauche, à perte de vue, s’étend la Lama, sol marécageux, coupé de rivières et de lagunes, inextricable fouillis de palétuviers, de palmiers nains et de plantes aquatiques, barrière insurmontable pour quiconque voudrait pénétrer en ennemi jusqu’à Abomey.

Nous quittâmes Toffoa à sept heures, en traversant de belles plantations qui portaient les traces de l’orage de la veille ; un très-beau fromager avait été brisé net par la foudre, à plus de quarante pieds du sol. À me-

    d’habitudes et ne se mêlent jamais. La première mesure seulement dix-huit pouces d’envergure, les ailes de la seconde atteignent quelquefois trois pieds de développement, et cette variété vole plutôt le jour que la nuit. Son corps a environ huit pouces de longueur, un pied de circonférence, et pèse environ une livre et demie. La forme de sa tête est tout à fait celle d’un terrier anglais, à l’exception des yeux et du nez qui rappelle le chanfrein du cheval de race. Les oreilles, bien plus développées proportionnellement que chez le chien, sont taillées comme celles du rat. Les dents de devant sont félines, les mâchelières sont mamelonnées comme celles du bœuf. La puissance maxillaire de ces animaux est très-grande, et la vie est en eux aussi persistante que chez le chat ; car j’en ai vu survivre pendant plusieurs jours à d’horribles fractures du crâne. Leur corps, muni de onze paires de côtes, est vigoureux ; le dos du mâle est d’une belle couleur brune, bordé sur les flancs d’une raie grise ; le ventre, beaucoup plus clair, est de couleur souris tandis, que sur le devant de la poitrine s’étend une belle tache d’un jaune vif. Il est vrai que ce dernier ornement manque à la femelle. Leurs ailes ne diffèrent que par la taille de celles de la chauve-souris vulgaire, et chacune d’elles est munie, à sa partie antérieure, de cinq griffes et d’un éperon. La charpente de ces ailes (os et muscles) offre une grande résistance. Les jambes de derrière, courtes et vigoureuses, sont également terminées par cinq griffes félines et courbées en demi-cercle. Chaque fois qu’ils ne volent pas, ces animaux s’accrochent aux arbres, et y demeurent suspendus par ces griffes, la tête en bas. La femelle a sur la poitrine deux seins qui, anatomiquement parlant, ressemblent à ceux de la femme. Le lait en est épais et blanc. Ces animaux émigrent d’une localité à l’autre suivant l’apparition des différents fruits dont ils se nourrissent. Ils visitent Wydah de la fin de mars à la fin d’avril, et vivent principalement sur les gouabas et les cachous, les plantains et les bananiers. J’oubliais de mentionner que leur pelage est aussi épais que doux. » (John Duncan, Travels in Western Africa, 1845 1846.)

    (Note de la rédaction.)