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et qu’à chaque minute le navire pouvait être écrasé, les hommes reçurent l’ordre d’avoir leurs sacs prêts et de sauter sur la glace à un signal donné.

Le 24, le temps fut abominable : brume et neige fondue ; la profondeur tomba à soixante-cinq brasses.

Le 25, un découvrit avec terreur que le navire était défoncé à tribord par le travers du grand mât ; mais au-dessus de la flottaison, les caissons du faux pont étaient rentrés en dedans de plus d’un pied. La goëlette heureusement était penchée sur bâbord et il n’y eut pas de voie d’eau. On répara l’avarie aussi bien que l’on put.

Le 26, la glace se mit en mouvement. Un glaçon qui passa sous la quille du navire le renversa complétement de bâbord sur tribord. La sonde marqua soixante brasses pour la première fois ; on aperçut la terre dans le nord-est, mais elle se trouvait encore à une distance beaucoup plus grande que la côte que l’on voyait au sud.

Le 27, la profondeur augmenta ; on était emporté au nord ; la goëlette craquait tellement sous l’effort des glaces, que plusieurs fois les matelots saisirent leurs sacs pour débarquer. Pendant toute la journée, on travailla à briser la glace : on parvint vers le soir à redresser le navire, qui fut entouré de toutes les défenses qui purent être placées le long du bord. La profondeur était de soixante-trois brasses ; les glaces avaient repris leur mouvement vers l’est.

L’Iermack renversé.

Le 28, les vents passèrent au sud-est ; le navire fut de nouveau emporté vers le large ; la sonde donna quatre-vingt-cinq brasses ; on vit la terre dans l’est.

Le 29, le vent devint plus fort ; la profondeur resta la même ; l’inclinaison de la ligne indiquait que le navire était emporté vers le nord.

Le 30 août, le vent passa à l’ouest et devint nord-ouest très-fort ; dans l’après-midi, pluie et brume. À huit heures du soir, la sonde donna soixante-quatorze brasses. On allait vers la côte. Il y eut une aurore boréale. Dans la nuit, la glace s’agita violemment : tout le monde se tint sur le pont prêt à débarquer. La goëlette craquait, les cloisons du faux pont se brisèrent et l’avant fut soulevé d’un pied ; à cinq heures, elle fut si serrée que sa largeur diminua d’un pied et son front se courba complétement. Pendant toute la nuit, elle fut portée à l’est. À six heures du matin, la profondeur n’était plus que de trente-cinq brasses.

Le 31 août fut magnifique ; on fit des observations. La latitude se trouva de 69° 54’, la longitude de 65° 06’30’’ de Greenwich : le vent fut très-variable ; à huit heures du soir, on trouva vingt-huit brasses. À minuit, la pluie tomba à torrents et le vent fraîchit sud-sud-ouest.

Le 1er septembre, il fit une tempête horrible ; le navire était emporté au nord-est avec une vitesse d’un mille à l’heure. La sonde donna vingt-six brasses. La côte n’était pas loin désormais ; il fallait s’attendre, d’un instant à l’autre, à voir les glaces s’arrêter brusquement ; le contre-coup devait inévitablement écraser la goëlette : on s’y prépara. Une tente fut dressée et remplie de provisions diverses ; on débarqua du bois à feu et du charbon.

Ce jour-là, malgré la position critique dans laquelle il se trouvait, l’équipage de l’Iermack célébra le millième anniversaire de l’existence de la Russie ; on avait donné une double ration d’eau-de-vie ; le punch fut allumé, et des refrains joyeux se joignirent au craquement des glaces et aux sifflements du vent.

Traduit par H. de la Planche.

(La fin à la prochaine livraison.)