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Mission catholique à Pinhalù (Cambodge). — Dessin de Sabatier d’après M. Mouhot.


VOYAGE DANS LES ROYAUMES DE SIAM, DE CAMBODGE, DE LAOS

ET AUTRES PARTIES CENTRALES DE L’INDO-CHINE,


PAR FEU HENRI MOUHOT, NATURALISTE FRANÇAIS[1].
1858-1861. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


XII

Détails ultérieurs sur le Cambodge. — Udong, sa capitale actuelle. — Audiences chez le second roi, etc.

Dans la matinée du jour fixé pour mon départ, et lorsque tous mes préparatifs furent terminés, l’abbé Hestrest vint me chercher pour me faire partager avec lui son modeste déjeuner et me conduire ensuite avec son bateau jusqu’à Kompong-baïe, où je devais trouver les chariots.

Arrivés à cet endroit, point de chariots. Nous nous rendîmes chez le premier mandarin, qui, tout en chiquant du bétel, nous montrait ses dents noires et son rire stupide ; je vis que j’étais le jouet de ces individus faux partout et toujours, ne cédant qu’à la force et détestant avant tout le nom d’Européen. Après maintes réclamations auprès des mandarins de tous grades, on m’amena enfin trois chariots ! Les voitures à chiens qui sont en usage en Hollande auraient mieux fait mon affaire. J’envoyai donc promener les trois brouettes du roi du Cambodge avec mes compliments pour cette majesté, et j’en louai d’autres à mes propres frais.

Udong, la capitale actuelle du Cambodge, est située au nord-est de Kampôt, à deux lieues et demie de l’affluent du Mékong, qui vient du grand lac, et à cent trente-cinq milles à peu près de la mer, distance prise à vol d’oiseau.

On compte huit stations et huit jours de marche jusque-là, en voyageant avec des bœufs ou des buffles ; les éléphants font facilement deux stations par jour, ce qui abrége le temps de moitié ; mais il n’y a que le roi, les mandarins et les riches particuliers qui puissent posséder et nourrir de ces animaux. Les chariots que nous louâmes pouvant à peine contenir nos bagages, moi et mes hommes nous fûmes forcés de partir à pied.

Après avoir traversé une plaine marécageuse où nous abattîmes quelques oiseaux aquatiques communs, nous entrâmes dans une belle forêt, qui, sans la moindre éclaircie, se prolonge jusqu’aux portes d’Udong. Pour traverser la partie marécageuse, j’avais dû me chausser de mes bottes de chasse que je n’avais pas portées depuis quelque temps et dont le cuir s’était durci. Après deux heures de marche sous un soleil de feu, je sentis mes pieds s’écorcher dans plusieurs parties. Je fus obligé de me déchausser et de continuer la route pieds nus. Heureusement elle était presque partout unie et belle à cause de la sécheresse et des fréquentes communications entre Kampôt et la capitale. La chaleur était excessive,

  1. Suite. — Voy. pages 219, 225, 241 et 247.