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provinces voisines exercer leur industrie aux alentours de Battambâng. Je ne sais si les douaniers apportent à réprimer ces bandits l’activité que je leur vis déployer pour attraper des tourterelles au piége.

Ayant cheminé pendant trois jours dans la direction du nord, nous arrivâmes à Ongkor-Borège, chef-lieu d’un district du même nom, et là, surpris par un violent orage et l’obscurité, nous dûmes camper à une petite distance des premières habitations. Ceux d’entre nous qui avaient des nattes les étendirent sur la terre pour y passer la nuit ; ceux qui n’en avaient pas arrachèrent un peu d’herbe et des feuilles aux arbres pour « faire leurs lits. »

Le lendemain, comme nous sortions de ce village, nous rencontrâmes une caravane de vingt-trois chariots qui se disposait à conduire du riz à Muang-Kabine, où nous nous rendions nous-mêmes. Aussitôt mes Cambodgiens coururent fraterniser avec leurs compatriotes de la caravane ; ils déjeunèrent ensemble, et deux grandes heures s’écoulèrent avant que, prenant la tête de cette ligne de chariots, nous pussions nous remettre en route.

C’est presque un désert que l’immense plaine qui se déroule de ce point vers l’est et le nord. On ne peut la traverser en moins de six jours avec des éléphants, et en moins de douze dans la meilleure saison, avec des chariots.

Enfin, le 28 mars nous arrivâmes près de Muang-Kabine ; mais, hélas ! que de souffrances et d’ennuis ! que de chaleur, de moustiques ! et en revanche combien peu dans ce trajet ; sans compter les bris de roues, d’essieux, et autres accidents quotidiens arrivés à nos chariots ; les pieds en marmelade, à la fin du voyage, je pouvais à peine me traîner et suivre le pas lent, mais régulier des buffles.

Vue de la montagne et du monastère de Petchabury. — Dessin de E. Bocourt d’après une aquarelle de M. Bocourt le naturaliste.

Quelques jours avant d’arriver à notre destination, nous traversâmes un petit fleuve à gué, le Bang-Chang, large comme un ruisseau, mais roulant un peu d’eau potable ; jusque-là nous n’avions eu à boire que de l’eau des mares, terreuses, infectes, servant de baignoires et d’abreuvoirs aux buffles des caravanes. Pour la boire ou la faire servir aux besoins de notre cuisine et de notre thé, je la purifiais avec un peu d’alun, dont je recommande l’usage préférablement au filtre, qui retient les corps étrangers, mais qui ne purifie rien.

À notre arrivée à Muang-Kabine, il régnait une grande excitation dans cette ville à cause des riches mines d’or qui ont été découvertes depuis peu dans son voisinage, et qui ont attiré une foule de Laotiens, Chinois et Siamois. Les mines de Battambâng, moins riches, sont aussi moins fréquentées que celles-ci. Après une étude rapide de leur gisement, je me dirigeai sur Paknam, où je louai un bateau qui pût me conduire à Bangkok.

Le premier jour de notre navigation fut pénible ; les eaux du fleuve s’étaient retirées et avaient laissé des bancs de sable à découvert. Le deuxième jour, nous pûmes laisser les perches pour prendre les avirons, et tout alla bien jusqu’au moment ou nous arrivâmes à un coude, qui subitement prend sa direction vers le sud pour aller se jeter dans le golfe, un peu au-dessus de Petrin, district qui produit à peu près tout le sucre de Siam qui est vendu à Bangkok. À ce coude débouche un canal reliant le Ménam et le Bang-Chang, qui alors prend le nom de Bang-Pakong ; il a été creusé, et fort habilement, sur un parcours de près de soixante milles, par un général siamois, le même qui reprit, il y a une vingtaine d’années, Battambâng aux Cochinchinois, et qui fit aussi construire une très-belle chaussée de terre depuis Paknam jusqu’à Ongkor-Borège, à l’endroit où cessent les grandes inondations. Je regrette de n’avoir pu profiter de cette belle voie pour mon voyage de re-