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la campagne forme une batterie à quatre étages de feux, dont chaque étage a douze embrasures de face et quatre de flanc. Voilà sans doute de formidables défenses. Mais ces batteries ne peuvent être armées, à cause de la faiblesse des planchers qui sont vermoulus, et sur lesquels nous ne nous hasarderons pas, de peur qu’ils ne s’écroulent sous nos pieds ; à plus forte raison sont-ils hors d’état de supporter le poids des immenses canons chinois. L’ouverture de la face de la demi-lune est surmontée d’un corps de garde percé d’embrasures et de meurtrières.

Nous pouvons voir d’ici les charbonnages et les inscriptions qui en couvrent les murs ; il y a des dessins, des caricatures et des noms gravés par les touristes, mauvaise habitude que les Européens, sans s’en douter, partagent avec les Chinois. Les murailles des fortifications n’ont pas été épargnées : elles sont couvertes d’affiches et de réclames de toute sorte. Un mauvais plaisant a même collé un placard satirique sur l’arrêté officiel du préfet de la ville, portant l’énoncé bien connu : Défense d’afficher en cet endroit.

Cour intérieure de la légation anglaise à Pékin. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Dans l’espace vide, qui s’étend entre la demi-lune et les flancs de ces énormes pavillons, est une place d’armes couverte où cinq cents hommes peuvent se ranger en bataille. Enfin les portes avec leurs casernements et leurs batteries ne sont pas les seules fortifications ; chaque angle de la muraille est défendu par une tour ayant quatre étages de feux, et sur la face Est il existe devant chaque courtine un grand bâtiment pouvant servir de magasin.

Ces fortifications étonnantes, qui ont dû exiger le travail de plusieurs générations, n’ont pu arrêter une poignée de soldats européens manquant de batteries de siége. D’ailleurs, depuis que les Mantchoux ont conquis la Chine, Pékin a perdu son importance de place forte protégeant le pays contre les invasions du Nord.

L’enceinte des remparts est formée de couches de chaux grasse éteinte et de terre végétale soutenues par deux murs espacés de douze à quinze mètres. Ce terre-plein est couvert d’un dallage de briques fixées sur une couche épaisse de béton. Plusieurs cavaliers pourraient aisément s’y promener de front, et malgré les ronces et les herbes qui l’obstruent par endroits, c’est réellement une des plus belles promenades de la ville.

Mais sur tout cela planent l’abandon et la ruine.

A. Poussielgue.

(La suite à une autre livraison.)