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sur la côte. Sheik Saïd et le reste de nos hommes, ainsi que les mules et les bagages, y étaient depuis le 21 et nous avaient préparé une réception confortable ; les soixante-quinze pagazi de Ladha, loués pour transporter à Kazeh mes cent charges d’objets de troc, avaient déjà reçu leur salaire, fort élevé à raison des circonstances et de l’empressement que mettaient comme moi les trafiquants arabes à partir de suite pour devancer l’époque où sévit la famine. Je payais fort cher tous mes achats, et mes hommes se plaignaient d’être écorchés dans les bazars comme appartenant à un personnage considérable, lequel devait les rétribuer plus largement que tout autre. Les Hottentots, de leur côté, commençaient à ressentir les effets du climat, et comme ils s’étaient vantés dans les tavernes de Zanzibar « d’être plus forts que d’autres parce qu’ils buvaient davantage, » mes Vouanguana se moquaient d’eux et de leurs infirmités, qu’ils attribuaient « au manque de grog. » Une fois le camp formé à l’ombre de quelques manguiers, nous nous occupâmes d’assigner à chaque homme le rôle spécial qu’il allait avoir à jouer. Ceux des Vouanguana que j’avais pourvus de carabines, — divisés par compagnies de dix hommes, dont chacune avait son capitaine, et tous placés sous les ordres du matelot Baraka, devenu général en chef, — s’exerçaient chaque jour au maniement de leurs armes.

Le 2 octobre enfin, après une revue générale et quand mes comptes furent réglés avec Ladha, nous fîmes nos adieux au colonel Rigby ; puis, quittant le shamba ou jardin d’Ougéni, qui ressemble par sa fertilité aux plus riches districts du Bengale, nous nous mîmes définitivement en route. Mes porteurs étaient alors au nombre de cent un.


II


L’Ouzaramo.

L’Ou-zà-ramo (triple mot sur la dérivation duquel aucun des natifs n’a pu me donner de renseignements) est compris, du nord au sud, entre les deux rivières Kingani et Lufigi, de l’est à l’ouest, entre la côte et le point où la Kingani se joint à sa branche supérieure, la rivière Mgéta. Ce pays n’a pas de montagnes, mais entre les deux cours d’eau que nous venons de nommer, le terrain, s’élevant par degrés, forme une espèce de plateau bombé dont les eaux s’écoulent au nord et au sud, dans la saison des pluies, au moyen de nombreux nullahs ou ravins. Les villages, qui n’y sont pas très-rapprochés, consistent généralement en une quinzaine de huttes aux toits coniques. Leurs chefs, appelés phanzé, vivent en général sur la côte où ils prennent le titre de dihouans et reconnaissent l’autorité du sultan Majid ; mais à peine avertis de la marche d’une caravane, ils transportent en