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vous escortera comme devant ; Budja et lui, de plus, accompagneront le Bana jusqu’au Gani. »

Néanmoins, il se passa quatre jours encore avant que mes envoyés eussent la permission de partir avec le bétail que le roi leur avait donné, plus un officier chargé de trouver les barques qui nous étaient nécessaires. Lors de la dernière audience qui leur fut accordée, le roi se trouvait avoir sous les yeux, accroupies et tremblantes dans un coin de la cour, quatre femmes qu’il venait de faire arrêter et de condamner à mort. Il proposa de me les envoyer, et comme Bombay hésitait, « n’ayant pas, disait-il, la permission d’emmener des femmes, » Mtésa, sans plus d’examen, lui fit cadeau de l’une d’elles et lui proposa, pour l’amuser, « de faire couper en morceaux, sous ses yeux, les trois qui restaient. » Bombay, s’il faut l’en croire, se serait tiré admirablement de ce pas difficile en répondant que « le Bana n’aimait pas à être témoin de pareilles cruautés, et qu’un serviteur fidèle ne devait pas rechercher des spectacles antipathiques à son maître. »

Troupeau d’éléphants dans les pâturages du Bahr-el-Abiad (voy. p. 364).

Nos affaires terminées avec le gouvernement de l’Ouganda, restait à régler, chose plus difficile encore, notre entrée dans l’Ounyoro, dont le souverain Kamrasi, qui prend, comme Agamemnon, le titre de Père ou de Chef de tous les rois, est au fond un assez pauvre sire, fort inquiet, fort méticuleux, non moins effrayé de nos allures inusitées que tourmenté par la crainte des Vouaganda, qui, depuis nombre d’années, multiplient leurs razzias sur ses domaines.

Une attaque à main armée des riverains du Nil, ses sujets, contre notre flottille, — entreprise qui coûta la vie à deux de ces pauvres diables, — n’était pas faite pour aplanir les difficultés que je voyais s’amonceler de ce côté.

J’éprouvai donc moins de surprise que d’inquiétude à voir revenir inopinément Grant et sa troupe, sur les traces desquels je croyais marcher.

Il rebroussait chemin, en vertu des ordres exprès de Kamrasi, qui élevait contre nous deux objections principales : la première, tirée de ce qu’on nous disait anthropophages ; l’autre, de ce qu’en abordant le pays par deux points différents, au sortir d’une contrée habituellement hostile, nous donnions prise à des soupçons légitimes.

Tout s’arrangea cependant avec du temps et de la patience. Kamrasi, touché de nous avoir vu battre en retraite à la première sommation, nous invita officiellement à revenir, et enfin, le 9 août, nous pûmes camper en vue de son palais.

Traduit par E. D Forgues.

(La fin à la prochaine livraison.)