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tions périodiques. J’ai rarement subi un désappointement pareil à celui que m’a causé la vue de ce cours d’eau si célèbre, et je suis convaincu, que si on l’isolait du Nil Blanc, le Bahr-el-Arzek se perdrait, absorbé dans les sables, avant d’atteindre la Basse-Égypte.

Ce que j’ai dit du fleuve Bleu s’applique à la rivière Atbara, le dernier des affluents que je passe en revue ; c’est encore un torrent de montagnes qui déborde pendant la saison des pluies, et qu’ensuite les ardeurs du soleil dessèchent à peu près complétement.

J’en avais assez vu désormais pour être convaincu que le fleuve Blanc, qui sort du N’yanza par les chutes de Ripon, est bien le vrai Nil, le père des fleuves, car il l’emportait d’une manière éclatante sur tous ceux qui venaient s’y embrancher, et cela dans la saison sèche, qui est la meilleure époque pour apprécier l’importance permanente et les forces relatives de ces rivières.

Quant au petit Luta Nzigé, je me rallierai volontiers à l’hypothèse du docteur Murie, que je rencontrai à Gondokoro. La manière dont nous avions devancé le débordement du Nil, entre les chutes de Karuma et Gondokoro, lui faisait présumer que le Luta est un grand réservoir du Nil, que ce fleuve avait peu à peu rempli pendant notre séjour au Madi, et qui, se trouvant près de déborder justement à l’époque où nous quittâmes ce pays, déversait son trop-plein vers le nord, en même temps que nous y marchions nous-mêmes. Cette théorie, applicable aux décroissances partielles du Nil, explique aussi l’extrême lenteur avec laquelle ses débordements atteignent l’Égypte.

Le Nil au-dessus du confluent de l’Asua — Dessin de A. de Bar.

Quant aux « fidèles » que j’avais emmenés si loin de leur pays, et dont je n’avais plus à réclamer les services, je ne me séparai pas d’eux à Alexandrie sans leur assurer leur rentrée dans leur patrie avec un supplément de salaire, égal à une année de service ; plus, pour chacun, une plantation « d’hommes libres, » et une dot équivalente à dix dollars quand il lui plairait de prendre femme.

J’ai su, depuis mon retour en Angleterre, que sous la conduite de Bombay ils avaient tous atteint en sûreté Zanzibar, ou le colonel Playfair, récemment nommé consul, leur a manifesté l’intérêt le plus cordial. Je sais aussi qu’ils ne demandent qu’à me suivre encore une fois si, réalisant mes rêves les plus ambitieux, je traverse un jour l’Afrique de l’Est à l’Ouest, dans la zone la plus fertile.

Traduit par E. D. Forgues.