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Camp d’Indiens Sioux. — Dessin de Lancelot d’après un croquis de M. E. de Girardin.


SUPPLÉMENT AU VOYAGE DANS LES MAUVAISES-TERRES[1],


EXTRAIT DU
GEOLOGICAL SURVEY OF WISCONSIN, IOWA, MINNESOTA, AND PORTION OF NEBRASKA TERRITORY.
OUVRAGE PUBLIÉ PAR ORDRE DU CONGRÈS EN 1859.




Lorsque après avoir franchi la chaîne crétacée des montagnes du Renard, qui ne semble qu’un immense dépôt d’ammonites de toutes tailles, on parvient sur les bords du Sage-Creek, riches en coquillages fossiles, on ne tarde pas à apercevoir les Mauvaises-Terres, qui déploient aux regards l’un des spectacles les plus pittoresques et les plus extraordinaires de tout le bassin du Missouri. C’est une espèce de monde à part, une large vallée, qui semble avoir été creusée, d’abord par une immense faille verticale, puis modelée par la longue et incessante action d’agents dénudateurs.

Large de 48 kilomètres en moyenne, sur une longueur totale de 145, elle se développe, dans la direction de l’ouest, au pied de la sombre chaîne de montagnes connue sous le nom de Black-Hills. Au sortir de la prairie uniforme, monotone, immense, le voyageur se trouve subitement transporté, après une descente de 100 à 200 pieds, dans une dépression du sol ou se dressent des milliers de rocs abrupts, irréguliers ou prismatiques, ou semblables à des colonnes coiffées de pyramides informes et hautes de 100 à 200 pieds, quelquefois plus.

Ces tours naturelles sont tellement multipliées sur la surface de cette région extraordinaire, que la route du voyageur serpente dans des passages étroits, comme dans un labyrinthe assez semblable à celui qu’offrent les rues irrégulières et les ruelles de quelques bizarres cités du moyen âge européen. Vues de loin, dans leur succession indéfinie, ces colonnes rocheuses ressemblent à de massifs monuments auxquels ne manquent ni arcs-boutants, ni tourelles, ni portails voûtés, ni groupes de colonnes, ni frontons, ni flèches effilées. On dirait presque de loin qu’on s’approche de quelque prodigieuse ville déserte, où le travail et le génie de peuples disparus ont légué à l’avenir une multitude de chefs-d’œuvre d’architecture. Mais, dès qu’on descend des hauteurs et que, pénétrant dans ce vaste dédale, on vient à s’engager dans ses replis les plus profonds et les plus inextricables, l’illusion fait place à la réalité ; les châteaux bâtis par l’imagination s’écroulent, et, de tous côtés, se dressent des rocs sombres, nus et désolés, et si l’on voyage au milieu de l’été, les rayons brûlants du soleil, réfléchis par les parois blanches ou grisâtres qui hérissent ce désert, créent une fournaise que ne tempèrent ni le plus léger souffle d’air, ni le plus frêle rameau d’un arbrisseau solitaire.

Mais il n’est pas permis au géologue de se laisser abattre par la fatigue et l’épuisement en face des trésors fossiles étalés sous ce soleil de feu : il ne saurait faire un

  1. L’auteur du Voyage aux Mauvaises-Terres nous ayant manifesté le désir de voir compléter son récit au point de vue géologique, nous ne pouvons mieux concilier ce vœu bien légitime avec l’intérêt bien compris du public, qu’en offrant à nos lecteurs un fragment sur le même sujet, emprunté à l’une de ces magnifiques publications dont le cabinet de Washington a fait suivre, dans ces dernières années, l’exploration scientifique de ses vastes territoires du Far-West.
    F. de L.