Page:Le Tour du monde - 10.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pirogue de leur hautain patron et débarquant l’un après l’autre, l’abandonnèrent pour aller pêcher avec leurs amis. En voyant son autorité méconnue, le chef de la commission française poussa un rugissement sourd et parut prêt à se ronger les poings, puis il se ravisa et se mit à polir ses ongles.

Bientôt tous nos rameurs entraînés par l’exemple, débarquèrent pour prendre part au plaisir de leurs compagnons. De notre côté, nous ennuyant de garder les pirogues, nous sautâmes en terre et assistâmes en qualité de spectateurs à la pêche des Chonlaquiros. La journée fut à peu près perdue pour le voyage ; mais nous nous en consolâmes en mangeant d’excellent poisson. Seul le comte de la Blanche-Épine refusa d’y goûter et fut inconsolable.

À quatre heures nous prenions congé des naturels de Consaya et quittions accompagnés de nos seuls rameurs la plage où nous avions passé une partie du jour. Nous voguâmes jusqu’à sept heures, puis nous nous arrêtâmes à la pointe d’une île où le sable et les pierres remplaçaient la végétation. Au loin devant nous, brillait dans la brume un feu d’Indiens Conibos que nos Chontaquiros se montraient du doigt en riant.

Nos relations avec ces derniers cessèrent le lendemain dans la journée en atteignant Paruitcha, où commence le territoire des Conibos. Nous reçûmes dans l’habitation de ce nom une franche hospitalité, qui s’étendit à nos rameurs, malgré certaine antipathie qui existe entre les deux nations. Les Chontaquiros qui ne se sentaient pas à l’aise chez leurs voisins, n’y passèrent que quelques heures et nous quittèrent pour retourner à Santa-Rosa. Avant de partir, ils ne manquèrent pas de grappiller dans nos embarcations dont ils connaissaient toutes les cachettes, des bagatelles à notre usage journalier. Pendant que les plus habiles prestidigitateurs de la troupe opéraient ces escamotages, leurs compagnons nous entouraient et captivaient notre attention par des détails intéressants sur la partie du voyage qui nous restait à faire pour atteindre Sarayacu.

Habitation d’indiens Conibos, à Paruitcha.

Avant de faire marché avec les Conibos qui doivent nous accompagner jusqu’à la mission centrale des plaines du Sacrement, jetons un coup d’œil en arrière sur les Chontaquiros que, pendant dix jours, nous avons eus pour compagnons de route.