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Paysans des environs d’Alicante.

Les arbres dont on doit couper les palmes sont l’objet de soins tout particuliers et donnent lieu à des opérations assez curieuses : il est nécessaire, pour conserver aux palmes toute leur blancheur, de les préserver du contact de l air et de la lumière : pour cela, on les relève en l’air, de manière à en former une espèce de cône, et on les attache ensemble pour les maintenir dans cette position. Cette opération, qui leur donne l’apparence peu gracieuse de laitues gigantesques, nous parut un véritable crime de lèse-majesté contre un arbre aussi noble que le palmier ; mais comme chaque palme se vend environ un réal, les paysans ne se soucient que du côté utilitaire et le préfèrent infiniment au côté pittoresque. Ils grimpent jusqu’au sommet des palmiers avec une merveilleuse agilité : pour se garantir de chutes qui pourraient être fort dangereuses, ils se servent d’une corde qui entoure à la fois leur corps et la tige de l’arbre, et forme aussi une espèce d’anneau mobile ; puis ils s’élèvent rapidement en appuyant alternativement leurs pieds nus sur les aspérités du tronc, et en soulevant, à mesure qu’ils montent, l’anneau de corde destiné à les retenir dans le cas où le pied viendrait à leur manquer. Arrivés au faîte, ils commencent à former un faisceau de toutes les palmes, et à les assujettir au moyen de cordes qu’ils serrent davantage à mesure qu’ils approchent de l’extrémité supérieure : ils se servent, pour cette périlleuse opération, de légères échelles à dix ou douze échelons, qu’ils appuient sur le sommet de la tige. Nous étions vraiment effrayés de les voir dans cette position, où cependant ils savent se maintenir avec une extrême habileté, malgré les mouvements du faisceau de palmes que le vent faisait balancer dans tous les sens.

C’est depuis le mois d’avril jusqu’au mois de juin que les paysans font cette ascension digne de rendre jaloux